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On sait comment les choses se passèrent. A un signal donné, la population et les troupes, conduites par Kalergi, se portèrent sur la place du palais, crièrent « vive la constitution ! » et signifièrent au roi qu’il eût à se rendre au vœu unanime du pays. Pendant ce temps, le conseil d’état se rassemblait, et rédigeait les décrets qui devaient consacrer la révolution ; mais, bien que la conspiration fût maîtresse de la majorité du conseil, c’est ici que, dans son sein même, il éclata une division qui pouvait tout perdre ce que voulait le parti constitutionnel, c’était simplement délivrer la Grève des Bavarois, et transformer la monarchie absolue en monarchie représentative. Pour ce parti, l’expulsion ou l’abdication du roi Othon eût été grand malheur. Une fraction du parti russe était dans des dispositions toutes différentes ; ce qu’il fallait à celle-ci, c’est que le roi Othon lui-même fût emporté dans la tempête, et que sa succession devint vacante. Heureusement M. Metaxas et le colonel Kalergi refusèrent d’aller jusque-là, et le parti constitutionnel l’emporta. La fraction purement russe obtint pourtant quelques concessions qui pouvaient la conduire au but. Ainsi ce fut elle qui, ajoutant l’humiliation à la défaite, voulut que la royauté adressât des remerciemens publics à ceux qui l’avaient surprise et vaincue. La fraction purement russe espérait que le roi quitterait la Grèce plutôt que de subir un tel affront, et il fut en effet sur le point de le faire ; mais les ministres de France et d’Angleterre, intervenant à temps, lui conseillèrent encore ce sacrifice. Le roi céda donc, et Kalergi se retira, laissant l’assemblée nationale convoquée, les Bavarois renvoyés, et M. Metaxas président du nouveau cabinet. Il est inutile de rappeler avec quel enthousiasme unanime cet évènement fut accueilli d’un bout à l’autre de la Grèce.

Ainsi, par une anomalie singulière, la cause constitutionnelle venait de triompher en Grèce au moment même où la France et l’Angleterre s’étaient entendues pour l’abandonner. Il faut néanmoins rendre justice aux ministres de France et d’Angleterre, qui en prirent bravement leur parti, et qui, sans attendre les instructions de leurs cours, s’associèrent pleinement et sans réserve à la révolution. Il en fut autrement de la légation et du parti purement russe, qui commencèrent à craindre que la journée ne fût pour eux une journée des dupes. Cependant la constitution restait à faire, les élections allaient avoir lieu, et peut-être, en s’y prenant bien, n’était-il pas encore impossible de renvoyer le roi Othon à Munich. A la grande surprise de ceux qui ne connaissent pas le fond des choses, le parti purement russe se mit à exciter dans le pays une fermentation ultra-démocratique. Selon ce parti, rien n’était fait, si on laissait au roi une ombre de pouvoir