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Jusqu’alors, soit ensemble, soit alternativement, la France et l’Angleterre avaient soutenu le parti constitutionnel et demandé pour la Grèce le gouvernement représentatif. Tel était encore l’état des choses quand, à la fin de 1841, M. Guizot imagina d’adresser aux autres cours européennes une longue dépêche dans laquelle, en examinant la situation matérielle et morale de la Grèce, il se prononçait en faveur de quelques institutions administratives et contre une constitution représentative. Les tories alors venaient de prendre le pouvoir en Angleterre ; et M. Guizot n’eut pas beaucoup de peine à leur faire adopter son avis. Pour la première fois depuis 1832, la France et l’Angleterre paraissaient donc marcher d’accord à Athènes, mais aux dépens du principe constitutionnel.

Que fit alors le parti russe ? Il alla trouver le parti constitutionnel, et lui proposa de s’unir, non plus pour opérer la fusion des deux églises, mais pour délivrer la Grèce du despotisme bavarois et pour lui donner une constitution. En d’autres temps, le parti constitutionnel se serait méfié d’une telle proposition, mais si étrangement, si inopinément abandonné de ses défenseurs habituels, il accueillit avec joie les nouveaux alliés qui s’offraient. Tout en laissant au parti russe, la conduite de la conspiration, il lui promit donc son concours, et se tint prêt à tenir sa promesse.

Les bornes de cet écrit ne me permettent pas de raconter les incidens singuliers, les péripéties bizarres qui signalèrent la révolution de septembre ; mais j’en dois indiquer les résultats principaux. Voici, à la veille de ce grand mouvement, quelle était la situation exacte du gouvernement et des divers partis Endormis dans la plus entière sécurité, les ministres et les favoris n’avaient qu’une pensée, celle d’échapper aux réclamations chaque jour plus pressantes des trois puissances garantes de l’emprunt, et de conclure avec elles un arrangement tel quel. De ces trois puissances, deux, l’Angleterre et la France, se montraient assez conciliantes, tandis que, par un manifeste public, la troisième dénonçait en quelque sorte à l’Europe et la Grèce elle-même l’incurie du gouvernement bavarois. Pendant ce temps, assuré de l’appui du parti constitutionnel, le parti russe organisait le mouvement et fixait d’avance le jour où il devait éclater. Le ministre de Russie, M. Katakasy, en connaissait-il toute la portée ? on le croit généralement sans pouvoir en donner la preuve. Ce qu’il y a de certain, c’est que le complot se tramait sous ses yeux et par ses meilleurs amis, le prince Soutzo, M. Zographos, M. Metaxas, le colonel Kalergi.