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la Russie, tel était le but du complot, dans lequel un des ministres, M. Glarakis, se trouvait engagé.

Beaucoup de personnes pensent que si le complot eût éclaté, il eût, comme celui de 1843, tourné en faveur de la Grèce indépendante et non de la Russie. Quoi qu’il en soit, il fut découvert, et l’arrestation du comte Capo-d’Istrias, qui en était l’âme, ainsi que la destitution de M. Glarakis, empêchèrent l’explosion. La Société philorthodoxe ne s’en maintint pas moins, et, sous la direction de la Russie, continua à remuer le pays. De son côté, l’Angleterre, qui, depuis la chute de M. D4Armansperg, s’était mise à la tête de l’opinion constitutionnelle, exictait et fomentait tous les mécontentemens et des trois puissances protectrices, celle qui aime véritablement la Grèce, la France seule, n’agissait pas et ne disait rien.

Cependant le pays souffrait, la camarilla était plus odieuse chaque jour, l’état des finances s’aggravait, un changement de système devenait donc nécessaire, et forcé d’opter entre la Russie et l’Angleterre, entre le parti philorthodoxe et le parti constitutionnel, le roi se décida pour la puissance et pour le parti qui lui était le moins hostile. M. Maurocordato fut donc rappelé de Londres, où il était ambassadeur. M. Maurocordato quitta son ambassade, passa par Paris, où il vit M. Coletti, et arriva à Athènes pour être premier ministre. C’était une belle situation, et grace à l’absence de M. Coletti, grace à l’inaction de la France, M. Maurocordato pouvait facilement rallier autour de lui tous les vrais amis de l’indépendance et de la liberté de la Grèce ; mais M. Maurocordato, mal conseillé, voulut gouverner dans un esprit exclusif, et ne tarda pas à s’aliéner le parti national en même temps qu’il se brouillait avec le roi. Il tomba donc bientôt, et fut remplacé par MM. Christidès, Chriseis, Rizo, Rally, membres de l’ancien parti français.

C’est, on le sait, sous ce dernier ministère que la révolution a eu lieu, et, il faut le reconnaître, par son incapacité, par son imprévoyance, ce ministère y a largement contribué. Bien vu du parti national, préféré par le roi, appuyé par la France, toléré par l’Angleterre, le parti russe seul lui était décidément hostile, et l’épreuve de 1840 prouvait au parti russe que le principe philorthodoxe ne suffisait pas pour soulever le pays. Mais d’une part les fautes du ministère ne tardèrent pas à créer dans toutes les classes et dans tous les partis un mécontentement dont le parti russe s’empara habilement ; de l’autre, la France et l’Angleterre s’entendirent pour lui mettre entre les mains une arme toute nouvelle.