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anarchiques, enfin parmi les Fanariotes, dont plusieurs avaient depuis long-temps avec le cabinet russe de secrètes relations. L’avènement du comte Capo-d’Istrias ne fit que fortifier l’influence de la Russie et grossir son parti. Pourtant à cette époque un nouvel élément vint s’y joindre, sous le nom de parti guivernitique, qui en changea un peu le caractère. Ce parti se composait en général d’hommes de la classe moyenne qui, las de l’anarchie, savaient gré à Capo-d’Istrias de ses efforts pour réduire la féodalité aristocratique et pour fonder un gouvernement régulier. C’est par suite de cette adjonction qu’après l’assassinat du président, le parti russe prit le nom de parti napiste. Ce nom lui fut donné d’abord par dérision, à cause des prédications en plein air d’un nommé Napa espèce de fou qui soutenait le comte Augustin Capo-d’Istrias ; mais, comme il n’impliquait pas l’idée de dépendance envers une puissance étrangère, le parti s’en accommoda et le conserve encore aujourd’hui. Sous le roi Othon, la Russie d’ailleurs rentra pleinement dans ses anciennes voies et ne cessa, par tous les moyens, de pousser à l’anarchie et de miner le gouvernement nouveau. Ce qu’il faut à la Russie, tout le monde le comprend, c’est une Grèce agitée, désordonnée épuisée, et qui un jour, comme les principautés, soit forcée d’implorer son aide et de subir son protectorat.

Si ce tableau du parti russe est fidèle, on voit que ce parti n’a aucune homogénéité ; on conçoit mal en effet comment le même parti réunit les primats turbulens du Péloponèse et cette fraction guivernitique qui s’est jointe à Capo-d’Istrias, précisément parce qu’il voulait dompter ces primats. En Grèce cependant plus qu’ailleurs la tradition et le souvenir des luttes passées joue un rôle important : on n’a ni les mêmes idées, ni les mêmes intérêts ; mais à telle époque on s’est battu avec tels hommes contre tels hommes, et cela suffit. J’en ai eu pendant mon voyage en Grèce plusieurs preuves incontestables. Ainsi, dans une province que je ne nommerai pas, deux membres de l’ancien parti russe s’étaient ralliés à MM. Coletti et Maurocordato, alors unis, tandis que deux membres de l’ancien parti français, jadis amis de M. Coletti, avaient fait tout le contraire. Comme on demandait à ceux-ci ce qui les avait portés à se séparer de M. Coletti : « Pouvions-nous faire autrement, répondirent-ils, quand nos adversaires habituels votaient avec lui ? Nous aimons M. Coletti, mais nous l’aimons moins que nous ne détestons MM. X et Z. Quand ils sont d’un côté, il faut bien que nous soyons de l’autre. »

Quoi qu’il en soit, le parti russe ou nappiste, dans ses diverses fractions, est très nombreux et compte dans ses rangs, surtout en