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REVUE. — CHRONIQUE

de fournir quelques tonnes de rails pour les chemins de fer allemands ; mais les avantages que recueille la Prusse sont considérables et doivent s’étendre encore avec le temps. Par cette convention, Anvers devient le port de l’Allemagne, et l’Escaut un fleuve prussien. Désormais la Belgique ne peut plus traiter, sans l’aveu de la Prusse, avec les colonies ou avec les états placés au-delà de l’Océan. Une solidarité de plus en plus étroite tend ainsi à s’établir entre la Belgique et la Prusse ; la Belgique n’est plus qu’un satellite entraîné bon gré mal gré, si nous n’y prenons garde, dans l’orbite du Zollwerein.

Ce danger, dont notre gouvernement ne semble pas se préoccuper, le gouvernement belge commence à l’apercevoir lui-même ; il sent l’entraînement de sa nouvelle situation et demande qu’on l’aide à y résister. Un rapprochement commercial, auquel se prêterait le gouvernement français, voilà le contrepoids qu’il invoque, et dont il a besoin. Avant de traiter avec la Prusse, le cabinet de Bruxelles avait envoyé à Paris un de ses membres les plus éclairés, M. Van Praët, pour faire des propositions auxquelles M. Guizot eut le tort de ne prêter alors qu’une très médiocre attention. Ces propositions étaient avantageuses à la France, elles avaient même ce genre d’attrait pour un ministère que les combinaisons de majorité embarrassent, de ne pas le mettre aux prises avec les exigences des intérêts industriels.

Si nous sommes bien informés, la Belgique demandait alors au gouvernement français : 1° de proroger, en la renouvelant, la convention du 16 juillet 1842, qui consacre en faveur des fils et des toiles belges un tarif d’exception ; 2° de réduire, de 15 cent. à 10 cent par 100 kilogrammes, le droit perçu sur les houilles de Mons et de Charleroi ; 3° d’excepter les machines belges du tarif projeté alors, et que l’ordonnance du 3 septembre vient d’établir. En retour de ces concessions, la Belgique offrait, dit-on, de réduire, en faveur des provenances françaises, le tarif, qui frappe l’importation les tissus longue laine, comme aussi de ne pas étendre à nos tissus de coton l’augmentation de droit dont ces étoffes allaient être grevées. Le bénéfice de ces deux exceptions se trouve aujourd’hui atténué par le traité 1er  septembre, qui le concède également à la Prusse ; mais ce qui intéresse particulièrement la France, c’est la proposition que nous croyons lui avoir été faite, et que la Belgique renouvellera certainement quand on le voudra, de supprimer chez elle l’industrie immorale et parasite de la contrefaçon.

La suppression de la contrefaçon honorerait la Belgique et donnerait satisfaction à la France. N’est-il pas inouï que dans un état qui doit son existence à notre révolution, que nous avons couvert de notre corps lorsque l’invasion hollandaise l’atteignait et que l’invasion prussienne le menaçait, dont nous sommes encore l’appui et qui n’existe que par nous, une industrie se forme et se développe qui n’a d’autre objet que le pillage et la reproduction à son profit des créations de l’esprit français ? Conçoit-on que cette contrebande littéraire s’exerce depuis trente ans avec la plus parfaite impu-