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une grande magnificence : il était cité pour son faste ; mais il manquait à cette pompe des armoiries. Il est bien permis de supposer que le penchant de M. Guizot pour les couronnes ducales a dû influer sur la démarche qui a été faite près du maréchal Bugeaud. Voilà le précédent établi ; il ne s’agit plus que de l’invoquer un jour. Quant à présent, M. Guizot juge convenable de s’abstenir.




Le ministère na paraît pas bien vivement frappé des conséquences que peut avoir pour nous le traité récemment conclu entre la Belgique et la Prusse. On assure que M. Cunin-Gridaire a présenté au conseil un mémoire tendant à démontrer que les clauses de cette convention, envisagée au point de vue commercial, ne blessaient en rien les intérêts de la France. Il n’était pas nécessaire de se mettre en frais d’argumens pour en venir là. Chacun sait que le gouvernement belge a la prétention d’avoir évité ou écarté, en négociant avec la Prusse, toute disposition que le gouvernement français aurait pu considérer comme un dommage pour nous ou comme une exclusion. La Prusse, dans son empressement de fraîche date à l’égard d’un état révolutionnaire, aurait voulu, dit-on, resserrer davantage l’alliance commerciale qu’elle contractait ; la Belgique n’a pas cru devoir s’y prêter. Quant au roi Léopold, il craignait tellement de prendre une mesure hostile à la France, qu’il a gardé le traité un jour entier avant de se décider à le signer.

L’hostilité, en effet, n’est pas dans les clauses, elle est dans le fait même de la convention. Nous accordons à la Belgique un traitement privilégié, il ne suffit donc pas qu’elle refuse à la Prusse un privilège, ni qu’elle offre de nous mettre sur un pied d’égalité avec ses nouveaux alliés : nos intérêts sont sacrifiés dès qu’on ne leur ouvre pas le marché belge aux mêmes conditions auxquelles les intérêts belges se voient accueillis en France, à savoir avec une faveur qui exclue ou qui éloigne la concurrence des produits étrangers. Par cela seul que la Prusse entre en partage avec nous en Belgique, le traité du 1er septembre frappe notre commerce et lui nuit.

Au point de vue politique, la question est bien plus grave. Un ministre belge, qui croit étendre son influence en multipliant ses relations, peut bien imaginer que la Belgique est destinée à former des alliances plus ou moins étroites avec tous les états voisins ; mais la situation de ce pays, froidement examinée, ne comporte pas de telles illusions. La Belgique ne saurait être l’alliée que d’un seul état, elle est politiquement neutre pour tous les autres. Il faut de toute nécessité qu’elle choisisse entre l’alliance de la France et celle de la Prusse, et si elle adopte l’alliance prussienne, c’est volontairement ou involontairement pour nous tourner le dos.

Le traité du 1er septembre ne confère pas matériellement de grands avantages à la Belgique, à moins que l’on ne compte pour beaucoup la possibilité