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définitive à Méquinez. Comme les autres nations de l’Europe, l’Espagne s’assujétissait des présens annuels, qui pourtant ne s’élevaient qu’à une valeur de 1,000 duros, 5,000 francs environ. Il est vrai qu’à tout changement de consul, elle devait en outre payer à l’empereur 12,000 duros. L’Espagne, au moment où commencèrent les pourparlers, était gouvernée par Charles III, un grand prince qui, par malheur pour sa gloire, n’a pas eu de bons ministres. A ses négociateurs, Charles III donna pour mission de sauver le plus possible la dignité de leur pays. Il fit expressément stipuler dans le traité que, si l’Espagne consentait à faire quelques présens à l’empereur, c’est que, de son côté, celui-ci s’obligeait à protéger des couvens qui alors se fondèrent à Tanger, à Larache, à Méquinez, et jusqu’à Maroc. Charles III ne négligea rien pour inspirer à ses barbares voisins le respect de la nation espagnole, il fit bâtir à Tanger un palais magnifique pour son consul, et le traitement de cet agent dépassa toujours, sous son règne, 6,000 duros ou 30,000 francs. Ce traitement aujourd’hui n’est pas même de 3,000 duros ; il ne suffit point à l’entretien du consul et à celui de sa maison : comment le représentant de l’Espagne aurait-il pu conserver à Tanger l’influence vraiment prépondérante qu’il y exerçait sous Charles III ? Cette influence est en ce moment tout-à-fait annulée dans un pays où, du cadi au sultan, l’oreille du grand ne s’ouvre à personne, si d’abord on n’a frappé l’œil par l’aspect de l’or. On peut hardiment prétendre que si, en 1837, le consul espagnol avait été un peu plus riche, s’il avait pu, avec quelques centaines de duros, neutraliser la malveillance de deux ou trois pachas tout-puissans, jamais les Maures n’auraient consommé cette usurpation odieuse du territoire de Ceuta, qui hier encore formait, et peut former de nouveau demain, l’objet de graves contestations entre, le cabinet de Madrid et l’empereur. A. Tétuan et dans les autres villes de la côte, l’Espagne a des vice-consuls ; mais, en vérité, on ne sait trop jusqu’ici en quoi ils lui sont utiles. On se fera une idée de leur crédit et de la considération dont ils peuvent jouir, pour peu que l’on songe à ce malheureux Victor Darmon, si cruellement mis à mort, et sans la moindre forme de procès, par un soldat nègre de la garde du sultan.

Comme l’Espagne, le Portugal, situé à l’extrémité orientale de la péninsule ibérique, a toujours eu des querelles à débattre avec les Maures. Nous nous trompons ; depuis l’époque où il a perdu ses magnifiques établissemens de la côte d’Afrique, depuis qu’en 1769 l’empereur Mohamad lui a repris Mazagan, sa dernière place et son dernier pouce de terrain, le Portugal s’est plus sérieusement préoccupé de cette race arabe, qu’il a si opiniâtrement et si long-temps combattue. Il y a mieux : le Portugal aujourd’hui entretient avec l’empereur de vraies relations de courtoisie et de bon voisinage. Tous les ans, Abderrahman envoie à Lisbonne de beaux chevaux, et quelques-uns de ces animaux féroces dont on s’empare à l’entrée du Sahara. Il sait bien, le rusé Arabe, qu’en échange il doit recevoir des présens qui paieraient