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d’autres que les bibliographes comptent par centaines, ne cessent d’alimenter le répertoire : des acteurs académiques.

Ne nous étonnons pas de voir l’élite d’une population se précipiter pour ainsi dire, vers la scène. Les Italiens de la renaissance considéraient la récitation dramatique comme un complément indispensable de l’éducation. « Si l’on nous traite d’histrions, dit Politien dans un prologue qu’il composa pour les Ménechmes de Plaute, nous ne nous en défendrons pas. Qu’on s’ache que nous suivons les mœurs de l’antiquité, et que les anciens livraient leurs enfans aux comédiens, afin qu’ils formassent sur eux leur maintien. » Presque tous les hommes célèbres de l’Italie, pendant la période de sa plus grande gloire littéraire, ayant passé sur le théâtre, il est évident que plusieurs d’entre eux ont dû s’élever jusqu’aux divers genres de mérite qui constituent le comédien. Les traditions ont mis quelques noms en relief. Dans les pièces latines réussirent Marcellin Verardi et le chanoine Thomas Inghiramo, surnommé Phèdre parce qu’il joua avec supériorité le rôle de cette héroïne dans l’Hippolyte de Sénèque Dans les pièces en langue vulgaire, Machiavel saisissait à merveille la démarche et jusqu’au son de voix des personnages de sont temps qu’il voulait livrer au ridicule. Le poète Ruzzante se rendit célèbre par sa verve bouffonne. Les artistes, en grand nombre dans les sociétés académiques, s’y distinguaient particulièrement. Le talent scénique du Bernin et de Salvator Rosa contribua beaucoup à leur réputation.

Malgré ces exemples que je cite par esprit d’impartialité, je reste en défiance contre des succès de coterie auxquels a manqué la sanction populaire. A en juger par le répertoire des académies, je ne puis croire que les acteurs érudits aient élevé bien haut l’art de l’exécution théâtrale. Pour eux, le beau idéal de la déclamation tragique ne dut être qu’une récitation chantante, selon l’idée qu’on se faisait alors de la mélopée des anciens. Il leur était moins difficile dans la comédie de se rapprocher du naturel, car les personnages empruntés aux comiques latins se retrouvaient encore dans l’Italie du XVIe siècle. Malheureusement, chez les Italiens, comme chez les Romains, la comédie ne pouvait refléter que les superficies de la société. En ces temps de despotisme jaloux et perfide, une étude pénétrante des mœurs n’eût pas été sans dangers pour les poètes. Avec ces masques éternels de l’intrigant, du libertin, de l’usurier, de l’entremetteur, de la courtisane, du spadassin et du matamore, on ne pouvait produire que des imbroglios faits pour exciter, non la gaieté cordiale, mais seulement la grimace du rire. Un jour vint où chacun comprit, sans