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parlons du reste si rarement. On se souvient que l’année dernière, à pareille époque, le parti légitimiste faisait assez de bruit dans le monde. Il était dans l’ivresse de son voyage à Belgrave-Square. Il jouissait avec délices du scandale qu’il avait causé. Les temps sont bien changés. Le voyage à Venise n’a pas été glorieux, comme on sait, pour l’hôte de Belgrave-Square, et le parti, naguère si triomphant, a essuyé depuis peu bien des traverses. On s’est vu forcé de rompre successivement avec plusieurs cours, dont les démonstrations devenaient de jour en jour plus froides et plus embarrassées. On comptait sur le roi de Naples : il a échappé. On croyait tenir la Saxe ; mais le mariage qu’on projetait avec elle n’aura pas lieu. Où aller maintenant ? Tous les efforts sont dirigés du côté de la Russie ; mais l’empereur est difficile à aborder. Il est plongé dans un profond chagrin depuis la mort de sa fille. Sa douleur l’a rendu fantasque ; on ne sait comment s’y prendre pour obtenir son appui. On a près de lui un ambassadeur, mais quel ambassadeur ! Pendant ce temps, les fidèles de Paris commencent à sentir leur constance s’ébranler. Les temps sont durs. La presse légitimiste coûte cher et produit peu. Les réfugiés carlistes sont nombreux ; ils ont besoin de tout, et il faut sans cesse quêter pour eux. D’un autre côté, on a de beaux jeunes gens, bien lestes et bien fringans, dont on ne sait que faire. Ils entrent dans la marine et à Saint-Cyr ; ils portent l’épaulette ; ils prennent l’épée, l’épée de la révolution de juillet ! Pour les pousser, il faut les recommander ; mais on n’ose le faire officiellement. On sollicite donc par procuration on se rappelle qu’on a des amis, des parens même, qui dînent avec les ministres, qui ont prêté le serment de fidélité, et qui le tiennent. Ces amis, ces parens, ont l’humeur obligeante ; on obtient par eux tout ce qu’on veut. On leur confie ses ennuis, ses dégoûts ; on apprend d’eux ce qui se passe dans ce monde révolutionnaire que l’on ne doit pas voir, mais dont on aime à parler de temps en temps. On leur fait des questions. La cour des Tuileries sera-t-elle un peu gaie cet hiver ? dansera-t-on ? puis-je y mener mes filles ? Si seulement les femmes de vos ambassadeurs étaient un peu mieux nées ; et si les dames d’honneur de vos princesses avaient quelques quartiers de plus ! Allons, je n’irai pas cet hiver ; mais l’hiver prochain, je ne réponds de rien ; car je veux bien convenir, après tout, que vos princes d’Orléans sont d’assez bonne maison ! Voilà ce qui se dit maintenant dans certaines familles aristocratiques du faubourg Saint-Germain. Nous ne donnons pas cela pour une nouvelle politique ; c’est une petite scène de mœurs qu’il faut placer en regard du tableau de Belgrave-Square.


Le régime de l’intimidation pèse toujours sur, la Péninsule. On sait déjà combien de sang a coûté à l’Espagne l’insurrection de la Rioja ; à Madrid, à Cadix, à Valence, à Barcelone, il n’est question, depuis les derniers pronuniciamentos, que d’arrestations préventives, de bannissemens, de déportations. Dans le Haut-Aragon, le capitaine-général de Saragosse, don Manuel Breton., a ordonné qu’on fit en une seule fois ce qu’à diverses reprises a fait