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que son unité est rompue. Une opposition violente éclate dans tous les rangs de la population catholique, même parmi les évêques, et jusqu’ici les offres conciliantes du gouvernement anglais ont excité l’indignation plutôt que la reconnaissance.

Nous ne dirons qu’un mot de ces inconcevables injures que M. O’Connell a lancées dernièrement contre les journaux de Paris. Le libérateur n’a pas toujours sa tête à lui. Cela n’empêche pas ceux qu’il outrage de rendre justice à ses qualités, et de plaindre sincèrement la malheureuse nation dont il n’a pu encore guérir les souffrances. Parlons de sujets plus importans. Il y a un point qui semble en ce moment fixer les regards de la diplomatie européenne : c’est l’isthme de Suez. Coupera-t-on l’isthme par un canal ou par un chemin de fer ? Telle est la question mise en avant. On suppose, peut-être fort gratuitement, que le gouvernement anglais veut un chemin de fer : dans tous les cas, l’intérêt, évident de la France est de préférer un canal. Tous les inconvéniens d’un chemin de fer ont été démontrés. Les difficultés d’établissement seraient immenses, les frais énormes. La voie pourrait être obstruée d’un moment à l’autre par les sables, ou interceptée par les Arabes du désert. Il faudrait tout faire venir d’Europe : matériaux, combustibles, et jusqu’aux agens chargés des plus minces détails de l’exploitation. Enfin, quand le chemin de fer serait construit, à quoi servirait-il ? aux voyageurs seulement. Pour aller dans l’Inde, les marchandises suivraient toujours la route du Cap. Au contraire, un canal serait la jonction des deux mers. Une nouvelle route serait ouverte au commerce du globe.

En Grèce, M. Coletti et M. Metaxa sont toujours les maîtres de la situation. Ils montrent des intentions excellentes ; il ont la confiance du roi et celle des chambres. Cependant peu s’en est fallu, il y a quelques jours, que le cabinet ne fût renversé. Chose singulière ! l’auteur de sa chute eût été M. Duvergier de Hauranne. On se rappelle un travail sur la Grèce que l’honorable député a publié dans cette Revue il y a peu de temps ; ce travail, fort goûté à Paris, et regardé comme l’œuvre d’un esprit calme et impartial, n’a pas produit à Athènes le même effet. Le parti anglais et le parti russe n’ont pu supporter les justes éloges que M. Duvergier de Hauranne a donnés à M. Coletti, et leur fureur est tombée sur ce dernier. Une coalition anglo-russe s’est formée sous les auspices de M. Lyons. M. Coletti eût succombé s’il n’eût fait tête à l’orage. La coalition s’est dissoute, mais les germes n’en sont pas détruits, et leur présence crée une situation nouvelle qui agite sensiblement les esprits. Si quelqu’un peut décrire habilement cette situation, c’est assurément M. Duvergier de Hauranne. Nous savons qu’il compte l’examiner prochainement dans cette Revue. Il exposera les faits qui se sont passés en Grèce depuis trois mois, et en même temps il répondra aux suppositions ridicules de la coalition anglo-papiste. Nous attendons ce nouveau travail de M. Duvergier de Hauranne, et nous sommes sûrs qu’en ami de la Grèce, il évitera cette fois de dire tout le bien qu’il pense de M. Coletti.

Mais revenons à la France, et disons un mot de nos légitimistes, dont nous