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L’état de notre marine, l’emploi du matériel naval, la direction et la comptabilité des ports feront naître sans doute très prochainement de vives discussions. Aucun sujet n’est plus digne d’appeler l’attention des hommes qui étudient sérieusement les intérêts du pays. La France a témoigné assez hautement qu’elle voulait une marine puissante, capable de protéger son indépendance et de soutenir dignement l’honneur de son pavillon ; mais pour avoir une marine, il faut une administration maritime : or, on peut dire sans hyperbole que cette administration n’existe pas. Il y a un ministre de la marine et des colonies, il y a des bureaux, il y a des préfets maritimes dans les ports, il y a des directeurs dans les arsenaux ; mais ce qu’on appelle une administration, c’est-à-dire ce lien étroit qui unit toutes les parties d’un vaste ensemble, cet esprit d’ordre qui l’anime, ce contrôle qui en surveille tous les degrés, cette lumière qui pénètre partout, rien de tout cela n’existe à la marine. Sous les apparences d’une unité mensongère, il y a des élémens épars, indépendans les uns des autres, et qui ne se rattachent pas à un centre commun ; il y a des pouvoirs qui se nuisent réciproquement au lieu de se servir ; c’est un chaos où le désordre est partout et la lumière nulle part. Chose étrange ! chaque année, le ministre de la marine confie à de hauts fonctionnaires la mission d’inspecter le service des ports ; ces fonctionnaires, revenus à Paris, dénoncent au ministre les prodigieux abus dont ils ont été les témoins, et lui soumettent leurs plans de réforme : on trouve leurs idées excellentes, et l’on n’en parle plus. Éclairées par des scandales récens, les chambres, dans la session dernière, ont imposé à la marine le contrôle de la cour des comptes sur la comptabilité des matières. A quelle époque ce contrôle pourra-t-ilfonctionner utilement ? Quand l’administration produira-t-elle des documens exacts, des justifications complètes, qui présentent fidèlement l’emploi des valeurs matérielles, cette immense partie de la fortune de l’état ? Nul ne le sait, et le ministre lui-même, malgré les engagemens qu’il a pris envers les chambres, ne paraît pas mettre à ce travail un grand empressement. Le département de la marine a besoin d’être stimulé par les chambres. C’est la tribune qui triomphera de son inertie et de son esprit de routine. Plusieurs députés connaissent parfaitement les causes qui perpétuent le désordre ; on peut supposer qu’ils regarderont comme un devoir de les révéler.

L’emprunt de deux cents millions a été adjugé à 84 fr. 75 cent. L’adjudication s’est faite à 1 fr. 5 cent. au-dessus du cours de la veille, qui lui-même était en hausse sur les cours précédens. Cette opération est un succès pour M. Laplagne. Elle marquera dans les souvenirs de son ministère. Elle prouve qu’il a sagement fait de ne pas recourir au mode de souscription, conseillé par la chambre des députés. La résolution du ministre porte un caractère personnel qui fait honneur à sa pénétration comme à sa fermeté. Depuis l’emprunt, le cours de la rente a continué de recevoir une vive impulsion. Nous aimons à constater ce témoignage de la confiance publique. Cependant, ce n’est pas sans raison que cette ardeur qui pousse à la hausse depuis