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l’opposition conservatrice, elle attend avec confiance la lumière que fera jaillir la discussion des chambres. Nous l’avons dit bien des fois, notre pensée n’a jamais été de nous réjouir des fautes du ministère, car ces fautes retombaient sur le pays. Si l’on nous avait prouvé la parfaite innocence du cabinet, nous aurions accepté cette démonstration avec empressement ; si donc les débats parlementaires viennent justifier la politique du 29 octobre, s’ils prouvent qu’elle a été prudente et digne, nous féliciterons la France et le ministère de cet heureux résultat.

Le ministère sera dans quelques jours entre les mains des chambres. Qu’elles l’examinent et qu’elles le pèsent ; qu’elles nous disent ce qu’il faut penser de sa diplomatie, de son influence parlementaire, de sa direction administrative, de son action au dedans et au dehors. Que le parti conservateur examine surtout la situation du pays ; qu’il considère les suites probables d’une dissolution faite par le cabinet, les dispositions des collèges, le mouvement de l’opinion. Que les conservateurs songent à l’avenir ; qu’ils arrêtent leur pensée sur une éventualité que la prudence humaine ordonne de prévoir. En réfléchissant attentivement sur toutes ces choses, les chambres trouveront la solution des difficultés qu’elles seules peuvent trancher.

Après les questions politiques, plusieurs objets importans viendront occuper la session Dans la chambre des députés ; une proposition sur le droit de timbre amènera la question du journalisme, si brûlante en ce moment. Les chemins de fer ranimeront les débats sur la loi de 1842. Le projet de l’enseignement secondaire, remis entre les mains de M. Thiers, fixera l’attention publique. On annonce une proposition d’enquête sur la condition des classes ouvrières. Nous verrions avec plaisir le gouvernement prendre l’initiative sur cette question. Un organe de l’extrême gauche déclarait dernièrement que le premier besoin des classes laborieuses est l’exercice des droits politiques ; d’un autre côté, des utopistes promettent aux ouvriers un nouvel ordre social, où ils goûteront les joies du paradis, sans leur promettre l’une ou l’autre de ces deux choses, le gouvernement pourrait cependant améliorer leur situation par des mesures administratives recommandées depuis long-temps par des esprits sérieux. Les classes ouvrières paraissent comprendre aujourd’hui leurs véritables besoins. Plus sages que ceux qui prétendent exercer sur elles une sorte de patronage humanitaire ou politique, elles se proclament amies de l’ordre, amies des lois, et sincèrement opposées à toute réforme qui aurait pour base le renversement de la famille ou de l’état. Elles savent aussi que tout progrès réel est l’œuvre du temps et qu’elles ne gagneraient rien à chercher l’adoucissement de leur sort dans la voie des bouleversemens politiques. Le gouvernement doit s’empresser de seconder ces dispositions favorables. Représentant des classes moyennes, il est de son devoir et de son honneur de protéger les intérêts populaires. La révolution de juillet ne doit pas laisser les classes laborieuses sous la tutelle des partis.