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perdre leur temps à rédiger aujourd’hui un programme pour le débat de l’adresse ? Avant de préparer des discours contre le ministère, il faut savoir ce qu’il dira. Pour méditer contre lui des argumens, il faut connaître les siens. Or, qui sait aujourd’hui ce que le ministère dira sur le droit de visite, sur Taïti, sur le Maroc, sur l’enseignement secondaire, sur la dotation ? Le ministère le sait-il bien lui-même ? Nous voyons au sein des chambres, et sur des bancs différens, des hommes que les fautes du cabinet ont réunis dans une opposition commune. Ces hommes n’ont pas besoin de concerter en ce moment leurs moyens d’attaque. Ils attendent que le ministère s’explique. Leur langage dépendra du sien.

Une chose toutefois mérite de fixer dès à présent l’attention des hommes qu’un même sentiment de dignité nationale réunit contre la politique du cabinet. Le premier acte de la session, et l’un des plus importans, sera la nomination du président de la chambre élective. Tout annonce que le ministère a fait son choix. Il soutiendra M.. Sauzet. L’intérêt des diverses nuances de l’opposition parlementaire candidat ministériel un homme dont le caractère politique fût l’expression de leur pensée commune, et dont le choix pût être regardé comme une protestation modérée, mais ferme, contre la politique suivie depuis quatre ans. Cet homme, la voix publique le désigne, c’est M. Dupin. Tout le monde connaît les défauts de M. Dupin, il n’a jamais cherché à les dissimuler ; mais tout le monde aussi connaît ses qualités éminentes. On a vu rôle à la chambre depuis qu’il a quitté le fauteuil de la présidence. On se rappelle le vote unanime qui a suivi son discours sur le droit de visite. Partisan sincère de la paix, M. Dupin a blâmé l’empressement irréfléchi du ministère pour l’alliance anglaise. Il veut une alliance fondée sur des intérêts sérieux, sur des besoins réciproques, utile aux deux peuples en unissant leurs forces dans des entreprises glorieuses, utile au monde en lui garantissant les bienfaits de la paix il ne veut pas l’alliance anglaise telle que l’ont imaginée pour leurs besoins particuliers M. Guizot et sir Robert Peel, c’est-à-dire un traité d’assurance mutuelle entre deux cabinets. On sait quelles sont les opinions de M. Dupin sur la question universitaire. C’est l’esprit gallican par excellence armé d’une puissante érudition, d’une verve inépuisable, et d’un impitoyable bon sens. Sur le droit de visite, sur l’alliance anglaise, sur la paix, sur la question de l’enseignement secondaire, M. Dupin représente fidèlement, dans la chambre des députés, les opinions constitutionnelles que la politique du ministère a froissées. Nous ne parlons pas des qualités rares qui distinguent M. Dupin comme président. Qui ne sait avec quelle netteté, quelle présence d’esprit, quelle impartialité et quelle vigueur M. Dupin a dirigé pendant plusieurs années les débats de la chambre ? Par tous ces motifs, nous croyons que l’opposition parlementaire ferait bien d’arrêter son choix sur l’honorable député. Ce serait inaugurer dignement la session. Cela vaudrait mieux qu’un programme, ou plutôt ce serait un programme d’une clarté évidente, et que tout le monde comprendrait.