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se retrempe dans la fatigue et les excès lorsque tant d’autres y succombent Quant à la partie élevée du rôle, à la tenue, à la dignité du personnage, on devine que la cantatrice de l’Académie royale de musique n’en a pas senti le premier mot. Mme Stoltz a pour elle ou contre elle, comme on voudra, une chose qui, tout en la rendant propre à l’expression des mouvemens passionnés doit à jamais lui interdire tout caractère où certaines conditions de bienséance et de tenue deviennent cependant indispensables ; nous entendons parler ici de ce besoin immodéré de locomotion qui semble l’agiter, dès qu’elle met le pied sur la scène, de cette espèce de diable au corps qui la possède et ne lui laisse pas de repos. Ainsi voyez Mme Stoltz dans cette scène où Marie Stuart, laissée libre un moment, erre avec sa compagne dans les jardins de Fotheringay, et s’écrie comme enivrée par l’air qu’elle respire :

Je voudrais m’emparer de toute la nature.

Évidemment il y a là un mouvement de joie irrésistible, un besoin inoui d’épancher au dehors tant de sensations divines, que la pesante atmosphère de la captivité comprimait au fond de l’ame ; mais il ne faut pas non plus, en exagérant la situation, transformer le tableau d’histoire en caricature. Que fait Mme Stoltz dans cette scène ? Elle va et vient, arpente le théâtre, son sein se gonfle, son œil flamboie, ses narines se dilatent, et vous vous rappelez involontairement ces vers de Virgile, où le poète latin ne se doutait certes guère qu’il décrivait l’extase d’une reine d’Écosse, au spectacle d’une belle matinée de printemps.

Illae
Ore omnes versae in zephirum…
Saxa per et scopulos et depressas convalles
Diffugiunt. …

Si nous étions le moins du monde d’humeur maussade, nos critiques s’étendraient plus loin, et du geste passeraient au costume, qui est aussi une partie essentielle de l’art du comédien. Talma et Nourrit en savaient quelque chose ; et ce n’est pas Mlle Rachel qui consentirait à se montrer jamais sur la scène affublée du singulier costume que porte Mme Stoltz au troisième acte de Marie Stuart. Que signifie, en effet, cette couronne royale s’épanouissant comme une grenade enflammée sur un bonnet que la reine d’Écosse avait pu adopter à son ordinaire, mais dont, aux jours de cérémonie et de gala elle ne dut jamais manquer de faire le sacrifice à l’étiquette de sa cour ? Un diadème sur une coiffe ! il y a là un contre-sens énorme pour un théâtre qui se pique d’exactitude en pareil point. Au quatrième acte, les casques abaissés que portent deux des membres du conseil de régence pendant la scène de l’abdication ne nous paraissent guère plus heureux. On avouera, en passant,