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plus grande quantité de toiles, de draps, de cotonnades, de soieries, lorsque toutes les branches primordiales de la production auront suivi la même loi, il y aura des produits pour tout le monde, et chacun en aura sa part en échange de son travail. » Suivant ce principe, la question de la création d’une plus grande masse de produits domine et résout celle de la répartition de ces mêmes produits. Quels sont donc les moyens d’accroître la puissance productive de notre société ? Le professeur en signale trois, dont il garantit la vertu souveraine : 1° l’exécution d’un système complet de communications et de transports, depuis les chemins vicinaux jusqu’aux canaux et aux chemins de fer, de manière à faciliter, à provoquer toutes les transactions sociales ; 2° l’établissement de diverses institutions de crédit, qui mettraient à la portée de toutes les classes les instrumens du travail, ou, pour reproduire les expressions de l’auteur, « les capitaux qui sont aujourd’hui inaccessibles non-seulement à l’ouvrier et au cultivateur, mais encore à une grande partie de la bourgeoisie ; » 3° un programme d’éducation professionnelle, complétant les études indispensables par un enseignement commercial en faveur de la bourgeoisie, et par l’apprentissage d’un métier pour la classe ouvrière. Avec une telle organisation, on produira beaucoup, on produira bien et à bon marché, et la pauvreté disparaîtra comme la lèpre a disparu. »

Personne ne contestera qu’un ensemble de mesures propres à vivifier notre industrie ne doive procurer quelque soulagement à ceux qui vivent de leur travail ; mais avancer d’une manière vague et absolue qu’il suffit d’accroître la production pour que les pauvres soient nécessairement appelés au partage des produits, ce n’est plus parler le langage scientifique. Autant vaudrait dire que si les deux tiers des Français ne lisent pas, c’est qu’on n’imprime pas assez de livres. L’axiome favori de M. Michel Chevalier est si tristement démenti par le faits, que, si l’on s’en tenait aux apparences, on pourrait croire que le paupérisme se développe au sein des nations en raison de leurs progrès industriels. Ce n’est pas, certes, la puissance productive qui fait défaut à la Grande-Bretagne. M. Michel Chevalier, au contraire, prend toujours pour en parler le ton du dithyrambe. Dans une de ces pages piquantes où il donne à l’aride statistique l’attrait d’un récit pittoresque, il nous montre l’Angleterre proprement dite obtenant sur une même superficie, et avec un même nombre de travailleurs, trois ou quatre fois autant de denrées que sur le continent européen. Elle a assez de fabriques pour inonder tous les marchés de l’univers, assez de vaisseaux pour faire tout le commerce du monde. Que le feu du ciel détruise