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de méthodes antiques ma comprises, de traditions à demi perdues et de maladroites innovations, il mérite bien alors qu’on le prenne en pitié. C’est à peine si, vers le XIe siècle, on le voit commencer à suivre quelques règles fixes, à observer quelques principes constans. Mais lorsqu’apparaît l’ogive, et surtout lorsque son règne est devenu universe1 et exclusif, les vieilles méthodes, les procédés bâtards, disparaissent ; l’art de la construction se transforme, se régularise et adopte systématiquement des méthodes inconnues jusque-là. A des effets nouveaux, il faut de nouvelles causes. Ces formes verticales, sveltes, aiguës, ne peuvent être produites que par des combinaisons qui leur soient spécialement applicables. La coupe des pierres exige des calculs tout nouveaux : partout des angles saillans et rentrans, partout des formes mixtilignes ; de là des difficultés sans nombre pour évider, pour ajuster, pour appareiller les matériaux ; puis, à côté de ces nouveautés de détail, des principes généraux de statique et d’équilibre, également tout nouveaux, soit à cause de l’extrême élévation des édifices, eu égard à leur épaisseur, soit à cause de la délicatesse de leur support et de l’envahissement des parties vides sur les parties pleines. Une telle révolution dans la théorie pouvait-elle manquer d’en produire une dans la pratique ? A défaut de preuves, le simple raisonnement défendrait d’en douter.

Qu’importe que les Romains aient employé des voûtes d’arête dans quelques-uns de leurs monumens, dans leurs thermes, par exemple ? faut-il en conclure que les constructeurs des XIIe et XIIIe siècles n’ont fait que copier les Romains, qu’ils ne sont que des compilateurs, et que, s’ils ont un système, ce système ne leur appartient pas ? Comme si le mérite de l’invention était ici de la moindre conséquence. Oui, sans doute, les Romains ont fait des voûtes, d’autres peuples en ont fait avant eux, on en a probablement fait dès les temps les plus reculés ; mais qu’on nous cite une époque, qu’on nous montre un pays où tous les édifices, sans exception, aient été surmontés de voûtes, où ces voûtes aient été toutes supportées non-seulement par des arêtes croisées, mais par des nervures saillantes, proéminentes et profondément évidées à leur base, où la maçonnerie, suspendue sur ces nervures, ait été aussi mince, aussi, légère, et disposée avec une telle hardiesse : c’est dans ces détails d’exécution que consiste l’originalité ; c’est dans l’universalité de l’application que consiste le système. Nous n’insisterons pas plus long-temps sur ce point. Que ceux qui ont étudié sérieusement la manière dont sont bâties les églises à ogive nous disent si elles sont l’œuvre du hasard et de la routine. C’est là une