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d’Ouropreto, le Brésil devait m’offrir de nouveaux aspects dignes d’une étude spéciale ; mais ce que j’avais vu suffisait pour donner une base à mes jugemens sur la plus importante question que soulève l’état de cet empire, c’est-à-dire l’avenir politique et commercial qui lui est réservé. C’est cette question qu’il me reste à débattre, et je ne la discuterai qu’avec des faits.


II – LE GOUVERNEMENT, LES CHAMBRES, LA SOCIETE BRESILIENNE

A la suite de la révolution d’avril 1831, le gouvernement constitutionnel, tel qu’il existe aujourd’hui, a été organisé. Le Brésil a un empereur, des ministres d’état responsables, une chambre des députés, un sénat, dont les membres élus à vie sont présentés au choix du souverain. À ne s’arrêter qu’aux formes extérieures, le gouvernement du Brésil paraît avoir une marche régulière. Dirigé par des hommes qui auraient le sentiment et la connaissance de leurs devoirs, cet empire trouverait dans son organisation actuelle de nombreux élémens de force et de prospérité. Il faut donc se demander avant tout si l’empereur, le ministère et les chambres sont à la hauteur de la difficile mission qui leur est imposée.

Don Pedro II est d’une santé délicate et d’une apparence maladive ; on attribue à une excessive timidité la raideur et la gêne qu’on remarque dans le maintien du jeune empereur. Le genre de vie qu’il s’est imposé suffirait à expliquer ce défaut d’aisance et d’abandon dans les manières. D’une petite taille et doué d’un précoce embonpoint, don Pedro prend peu d’exercice, et c’est à peine s’il monte à cheval. On est frappé de la ressemblance extérieure qui existe entre l’empereur du Brésil et son grand-père Juan VI. Il paraît d’ailleurs qu’on pourrait signaler entre les deux souverains plus d’un trait d’analogie, et que chez le petit-fils, comme chez l’aïeul, l’entêtement s’unirait à l’indolence et à la faiblesse, On est réduit toutefois à des conjectures sur le caractère de don Pedro II, car une présentation à l’empereur n’offre pas l’occasion de s’assurer si son impassibilité, sa bonhomie apparente, cachent une certaine vivacité d’esprit. L’empereur ne parle jamais ; il attache sur vous, un regard fixe et sans expression ; il salue et répond par un signe de tête ou un mouvement de main, et vous quittez avec une impression pénible ce prince de vingt ans, qui paraît si triste et si malheureux. La gravité de ce jeune homme n’inspire pas le respect, mais un sentiment presque voisin de la compassion.