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Angelo Mai au sujet de la République, par lui retrouvée, de Cicéron. Le caractère de ces premières pièces et de celles qui suivirent est grandiose, mâle, généreux, et d’une inspiration patriotique aussi élevée que douloureuse. Les deux premières canzones avaient en tête une dédicace à Monti :


« Je vous dédie, seigneur cavalier, ces canzones, parce que ceux qui aujourd’hui plaignent ou exhortent notre patrie ne peuvent que se consoler en pensant que vous, avec un petit nombre d’autres (dont les noms se déclarent assez d’eux-mêmes quand on les passerait sous silence), vous soutenez la gloire dernière de l’Italie, je veux parler de celle qui lui vient des études et particulièrement des lettres et des beaux-arts ; tellement qu’on ne pourra dire encore que l’Italie soit morte. Si ces canzones étaient égales au sujet, je sais bien qu’elles ne manqueraient ni de grandiose ni de véhémence… »


Elles en sont empreintes en effet : bien que le sujet en semble aujourd’hui un peu usé, roulant sur cette plainte perpétuelle et cette désolation tant renouvelée depuis Dante, et se prenant à cette moderne Italie, à celle même d’Alfieri, de Corinne et de Childe-Harold, et de laquelle Manzoni a dit qu’elle était

Pentita sempre e non cangiata mai,
Repentante toujours et jamais convertie ;


malgré cet inconvénient inévitable en telle rencontre, le poète se sauve ici du lieu-commun par son impression sentie et profonde. Pas un mot inutile n’est accordé à la phrase ou à l’harmonie ; c’est la pensée même qui jaillit dans son cri impétueux


« O ma patrie, je vois les murs, et les arcs, et les colonnes, et les statues, et les tours désertes de nos aveux, mais la gloire, je ne la vois pas, je ne vois ni le laurier ni le fer dont étaient chargés nos pères d’autrefois. Maintenant désarmée, tu montres ton front nu et nue ta poitrine. Hélas ! que de blessures, quelles plaies livides, que de sang ! Oh ! dans quel état te vois-je, ô très belle Dame ! Je demande au ciel et au monde : Dites, dites, qui l’a réduite ainsi ? Et le pire, c’est qu’elle a les deux bras chargés de chaînes, de telle sorte que, cheveux épars et sans voiles, elle est assise à terre, délaissée et désolée, se cachant la face entre les genoux, et elle pleure. Pleure, car tu en as bien sujet, ô mon Italie, née pour surpasser les nations et dans la bonne fortune et dans la mauvaise.

« Si mes yeux étaient deux sources vives, je ne pourrais assez pleurer pour égaler ton malheur et encore moins ta honte, parce que tu étais maîtresse et que tu n’es plus qu’une pauvre servante. Quel est celui qui, parlant