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dont la valeur varie à chaque instant. Les causes qui ont amené une diminution dans les recettes publiques n’ont pas cessé d’exister, et acquièrent chaque jour plus de gravité. Une augmentation de dix pour cent sur toutes les marchandises importées est le seul remède que nous puissions regarder comme efficace. En moins de dix ans, les révoltes des différentes provinces ont causé un surcroît de dépenses de 90 millions de francs, et l’état se trouve encore chargé du paiement des pensions dues aux familles des militaires blessés ou tués dans les rencontres avec les factieux. »

Il n’y a rien à ajouter à de pareils aveux. Les hommes qui posent si nettement les questions sauront-ils les résoudre ? Préviendra-t-on la banqueroute imminente qui amènerait sans nul doute la dissolution de l’empire ? Retiendra-t-on les provinces qui veulent s’isoler de Rio-Janeiro pour proclamer une république fédérative ? Surmontera-t-on les obstacles créés par l’inertie des habitans, l’orgueilleuse incapacité des fonctionnaires ? Éclairera-t-on sur leurs vrais intérêts ces agitateurs ignorans qui égarent par leurs déclamations contre l’Europe les assemblées provinciales et le peuple tout entier ? Leur persuadera-t-on que ce n’est pas en faisant la guerre à l’Europe, en chassant les étrangers et en fermant ses ports, que le Brésil retrouvera son opulence ? Que d’embarras à vaincre ! que d’obstacles à combattre ! que de préjugés à dissiper ! Un gouvernement fort, appuyé sur quelques hommes énergiques et intelligens, se tirerait peut-être d’une situation si périlleuse ; mais jusqu’à ce jour il a manqué aux affaires du Brésil une direction puissante, et il faudrait un changement complet dans l’allure du gouvernement pour nous rassurer sur les destinées de l’empire. Nous souhaitons que ce changement s’accomplisse. Il y a là plus qu’une question d’existence et de salut pour le Brésil, il y a aussi une question d’intérêt général. L’Europe doit souffrir de voir un grand pays repousser son influence, entraver son commerce. Si des ressources précieuses, aujourd’hui perdues, se trouvent exploitées, si des relations commerciales avantageuses à tous les peuples s’établissent enfin sur des bases régulières, le Brésil peut encore reprendre confiance dans l’avenir. Le commerce européen n’apportera pas seulement avec lui la prospérité matérielle, il servira la cause de l’ordre, favorisera la réforme des mœurs, et ramènera une population égarée dans les voies de la civilisation, d’où elle s’écarte de plus en plus.


L. DE CHAVAGNES.