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a lu un journal tient avec un entêtement ridicule à ses opinions. Pour se soutenir, le ministère doit ménager toutes les susceptibilités, toutes les ambitions, même les plus folles ; sinon, il fera des mécontens, les députés se transformeront en chefs de rebelles, ils quitteront la métropole pour aller soulever leur province. Au milieu de tels obstacles, la saine pratique du système constitutionnel devient impossible.

Le gouvernement lui-même semble reconnaître que les institutions actuelles ne suffisent pas à tirer le Brésil de l’état d’anarchie et de langueur où il se débat. Quelques passages du discours prononcé par le ministre de l’intérieur à l’ouverture du congrès, en 1843, m’ont paru remarquables. La situation du pays est exposée par le ministre avec une sincérité qui doit nous surprendre. « Une ambition effrénée, des passions haineuses, dit-il, et le désir de développer outre mesure l’élément démocratique de notre constitution, ont motivé toutes les révoltes qui depuis 1831 ont coûté tant de sacrifices d’argent à l’empire. La force seule a pu faire rentrer dans l’ordre les provinces rebelles. En 1842, la loi qui introduisait quelques modifications dans le code de procédure, et la création d’un conseil d’état, ont servi de prétexte à des rébellions qui, sans cesse réprimées, se renouvellent toujours, grace à l’impunité assurée aux perturbateurs de la paix publique. L’assemblée législative de San-Paolo a envoyé au souverain un message confié à trois de ses membres, message par lequel elle exigeait de l’empereur la suspension des lois nouvelles. Sur le refus d’obtempérer à de semblables menaces, San-Paolo, Minas-Geraes, s’insurgèrent contre le gouvernement ; des hommes armés vinrent troubler la tranquillité publique dans les provinces de Fernambouc, Céara et Maragnan. Les troubles qui, avant et depuis 1831, ont éclaté dans la capitale, dans les provinces d’Alogoas, Fernambouc, Para, Rio-Grande, à Matto-Grosso, à Bahia, et dernièrement encore à San-Paolo et Minas-Geraes, prouvent que notre système libéral nous mène à l’anarchie. »

Le ministre des finances ne s’exprime pas moins explicitement dans son rapport présenté, vers le même temps, à l’assemblée générale « Quelles que soient, dit-il, les réductions que vous adoptiez pour les dépenses générales, il est impossible que les recettes actuelles, à moins d’une modification dans les impôts, d’une augmentation dans les produits, suffisent aux charges du gouvernement. L’emploi de palliatifs, en atténuant le mal pour quelques momens, ne fera que provoquer une réaction dangereuse. Si nous comparons les recettes ordinaires de l’empire en 1820 avec celles de l’année courante, nous ne pouvons contester qu’il n’y ait une diminution amenée par l’emploi du papier-monnaie,