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autorités du Salto, croyant sans doute que j’étais chargé d’une mission d’exploration, vinrent au-devant de moi en grande pompe, et on m’indiqua la maison que je devais occuper. Mon seul désir était d’arriver promptement à Bahia ; on me promit que je pourrais partir le lendemain. Le Salto-Grande doit son nom aux chutes qui interrompent sur ce point le cours du Jequitinonha, et qui ne le cèdent en magnificence qu’aux chutes du Niagara. Je profitai de mon séjour au Salto pour visiter une aldea de Botocudos (tribu indienne). Le chef, distingué par le nom de Piteauhy (le grand), m’accueillit dans sa cabane, couverte de feuilles de cocotier. Ces Indiens sont renommés par leur adresse à tirer l’arc ; j’étais curieux de les mettre à l’épreuve. Les sauvages s’empressèrent de satisfaire à mes désirs ; une flèche lancée en l’air, après avoir presque entièrement disparu, revenait tomber à leurs pieds. Un malheureux oiseau, placé à cinquante pas de distance, fut tué dès le premier coup. J’obtins qu’ils me cédassent quelques arcs et des flèches ; ils me demandèrent en échange de la toile commune, — voulant, disaient-ils, se faire un vêtement, — des hameçons et des couteaux. Je leur donnai ces objets, en y ajoutant de la viande et de la farine, qu’ils mangèrent avec avidité. Les femmes de ces Indiens étaient allées à la récolte des fruits sauvages, et, forcé de retourner au Salto, je ne pus les attendre. Un voyageur allemand, le prince Maximilien de Neuwied, a, dans un ouvrage curieux sur le Brésil, donné de nombreux détails sur les Botocudos et toutes ces races d’Indiens connus au Brésil sous le nom de Mansos (doux). Par ce nom, les habitans essaient de caractériser l’état d’apathie et d’insouciance demi-sauvage où vivent ces tribus. L’exemple de la population brésilienne est bien fait, au reste, pour dégoûter les Indiens de la civilisation.

Je quittai le Salto dans la soirée du 4 février, et j’arrivai à Belmonte après vingt heures de navigation. A partir du Salto, la rivière change de nom, et s’appelle Rio-Grande de Belmonte. Les deux rives sont couvertes de forêts que l’on commence à exploiter. Le jaquaranda, que nous connaissons sous le nom de palissandre, croît en grande abondance. Ces bois sont magnifiques ; malheureusement ils ne tarderont pas à disparaître par suite de la négligence du gouvernement, qui laisse les habitans dévaster et brûler les taillis à leur guise. Du Salto à Belmonte, on ne remarque d’autres habitations que de pauvres cabanes, construites pour recevoir temporairement les hommes qui se livrent à l’exploitation du jaquaranda. Belmonte est situé sur la rive droite du fleuve, à environ deux lieues de la mer ; l’entrée de la rivière se trouve fermée par une barre de sable qu’il est souvent difficile de