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occasion pour exploiter le sol abandonné aux mains inhabiles des Brésiliens, je suis convaincu que les capitaux avancés dans une telle entreprise seraient quintuplés en moins de deux ans. Les travaux des Européens serviraient de modèle aux habitans, et le pays gagnerait à la fois en richesse et en bien-être. La présence de géologues instruits amènerait aussi de nouvelles découvertes dans ces montagnes encore inexplorées pour la plupart. Malheureusement le Brésil, on le sait déjà, n’admet les étrangers qu’avec répugnance, et des obstacles de tout genre paralyseraient des efforts que le gouvernement craindrait d’encourager,

Je quittai, sans trop de regret, l’arroial du Grand-Mogol. Mon voyage dans l’intérieur du Brésil touchait à sa fin. Je comptais me rendre de l’arroial à Tocayos ; je n’atteignis le but de ma course qu’après des fatigues et des retards considérables. Ces deux points ne sont séparés l’un de l’autre, cependant, que par une distance de trente lieues ; mais mon guide m’avait égaré plusieurs fois. Après une marche de trois jours tantôt à travers des forêts vierges, tantôt au milieu d’arides chapadas, je n’arrivai qu’à la nuit devant l’habitation du lieutenant-colonel don Jose Muerta, chez qui je devais trouver l’hospitalité. Don Jose, prévenu de ma prochaine arrivée, m’attendait depuis quelque temps, et m’accueillit avec une aimable cordialité. Une fois descendu de cheval, j’oubliai promptement toutes mes souffrances ; j’avais terminé cette longue et pénible excursion de la province de Minas-Geraës qui m’avait révélé toutes les misères et toutes les richesses du Brésil. Je n’avais plus qu’à descendre le Jequitinonha jusqu’à Belmonte, et à m’embarquer pour Bahia. Je connaissais l’intérieur du pays, il me restait à en visiter les côtes.

Tocayos est indiqué sur toutes les cartes et dans les ouvrages publiés sur le Brésil comme centre d’une population de deux mille ames. M’informant près du président de la province de Minas des ressources que pouvait m’offrir Tocayos, où je me proposais de m’embarquer, j’avais été étonné de sa réponse : il n’avait jamais entendu citer le nom de ce village. Je crus à une erreur ; mais, arrivé à Tocayos, je dus reconnaître que le bourg de deux mille ames désigné sur les cartes se compose de deux ou trois farendas. Dans un rayon d’une lieue, je cherchai en vain un hameau. On ne rencontre ni habitans ni trace de commerce. Ce n’est qu’à Callao, village bâti à trois lieues du confluent de l’Arasuahy et du Jequitinonha, qu’il y a un mouvement commercial. Des canots partant de Callao se rendent au Salto, et rapportent un chargement de sel destiné à la nourriture des bestiaux, de l’huile, des vins et quelques étoffes grossières pour la consommation du pays ; ils