Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jour de son importance. La population active s’en éloigne pour s’établir dans des villes nouvelles. Un mauvais village, Juiz de Fora, sur la route de Barbacena à Rio, comptait à l’époque de mon voyage plus de cinquante maisons en construction. Les terres, les bâtimens ayant peu de valeur au Brésil, les population se déplacent avec une rare facilité. Le Brésilien ne sait pas ménager les terrains qu’il cultive ; il les a bientôt épuisés, et s’éloigne alors pour chercher des terres encore vierges, qu’il abandonnera après quelques années. Cette vie indépendante et nomade est celle des plus riches cultivateurs. Privés de toute éducation, les Brésiliens fuient la société plutôt qu’ils ne la recherchent. Vous êtes étonnés de voir de riches propriétaires passer leur vie dans des fermes isolées ; entourés d’esclaves soumis à leurs caprices ils sont heureux d’exercer un pouvoir sans contrôle. Vous les voyez se promener avec des sandales de bois pour toute chaussure, avec une chemise et un caleçon pour tout vêtement ; ils ont la contrainte en horreur et n’entretiennent de relations qu’avec des subalternes ; peu importe à ces hommes qu’ils vivent dans un lieu ou dans un autre : tout leur est indifférent, pourvu qu’ils puissent satisfaire leurs instincts grossiers.

En continuant sa route vers Ouropreto, le voyageur suit les bords du Paroopeba, un des affluens du Rio das Velhas. : bientôt il rencontre Queluz, petite ville de douze cents ames. Queluz est encore. dans les campos, mais ces solitudes présentent ici des aspects plus variés et moins arides qu’aux environs de Barbacena ; les arbres sont plus élevés, les bestiaux en plus grand nombre ; les habitations sont toujours rares. Queluz est situé sur le penchant d’une colline, au milieu de jardins bien cultivés ; l’église est le principal monument de cette ville, qui ne consiste qu’en une longue rue formée par des maisons d’assez misérable apparence. La température y est plus chaude qu’à Barbacena ; le café, les ananas, le tabac, réussissent à Queluz, tandis que les nuits froides de Barbacena les feraient périr. A partir de Queluz, le pays prend un nouvel aspect ; on est sorti des campos, et on s’engage dans des bois peu élevés, au milieu d’une végétation assez riche ; on côtoie de nombreux ruisseaux dont les eaux vont se confondre avec celles du Rio-San-Francisco. Des villages s’élèvent çà et là sur la route. Alto da Virgem, qu’on traverse d’abord, est habité entièrement par des nègres libres ; c’est le premier village ainsi peuplé que je trouvai sur ma route depuis Rio ; les cabanes me parurent assez propres et les jardins bien entretenus. Ouro-Branco, qu’on rencontre ensuite, est dans une situation charmante, au pied de la montagne de ce nom ;