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qu’entre le chien, constellation céleste, et le chien, animal aboyant. Spinoza excède ici sa propre pensée ; il tombe dans le mysticisme : ce n’est plus Spinoza, c’est Plotin. Un mystique peut dire avec calme : La raison n’atteint pas Dieu ; car l’extase est là pour lui donner un asile, et satisfaire son ame et son cœur. Mais quand on a l’esprit assez ferme pour ne voir dans l’extase qu’une haute et noble extravagance, je me sers des mots de Bossuet, que M. Simon ne désavouera pas, si l’on refuse à la raison le droit de connaître positivement la nature de Dieu, il n’y a, je le répète une dernière fois, d’autre issue à un pareil système que le scepticisme.


II

Abordons maintenant avec M. Jules Simon cette question grave et périlleuse qui fait pour beaucoup d’esprits le principal intérêt de l’histoire d’Alexandrie. Quels ont été les rapports de cette école avec le christianisme ? quelles analogies les rapprochent ? quelles différences les séparent ? quelles sont les causes qui ont déterminé la chute de l’école alexandrine et le triomphe de la religion du Christ ? M. Jules Simon a expressément réservé pour la seconde partie encore inédite de son ouvrage la discussion approfondie de ces épineux problèmes ; mais il a été conduit à s’expliquer assez nettement sur le fond du débat dans deux des chapitres les plus intéressans de son livre, l’un sur l’établissement du christianisme, l’autre sur les rapports de la Trinité chrétienne avec celle d’Alexandrie.

On a pu voir plus haut que les alexandrins avaient concentré dans leur théorie d’un Dieu en trois hypostases toute la substance de leur philosophie. Le dogme de la sainte Trinité n’a pas dans le christianisme moins d’importance. Étroitement lié au mystère de l’incarnation, qui lui-même est inséparable du mystère de la rédemption, le dogme de la sainte Trinité est la base de toute la métaphysique chrétienne. La plupart des grandes hérésies, l’arianisme, le sabellianisme, le nestorianisme, ont attaqué par quelque endroit ce dogme fondamental. Ébranler un seul point en pareille matière, c’est tout compromettre. Arius touche d’une main profane à l’égalité, à la coéternité du Père et du Fils ; voilà le monde agité pour un siècle. Nestorius nie l’union du Verbe et de l’homme en Jésus-Christ, et il fonde en Orient une sorte de christianisme nouveau. Toutes les autres hérésies qui ont remué l’univers chrétien se rattachent par quelque lien essentiel à ce grand mystère de la Sainte-Trinité.