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HISTOIRE DE L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE.

grand prix, et que la plupart des monumens de la pensée humaine, dans l’antiquité, le moyen-âge et les temps modernes ont été explorés, déchiffrés, approfondis, nous pouvons juger de la grandeur et de l’utilité de l’entreprise, et payer un juste tribut de reconnaissance à celui qui l’a conçue et qui a tant fait pour l’accomplir.

L’ouvrage de M. Jules Simon sur l’histoire de l’école d’Alexandrie est le plus récent résultat et à coup sûr un des plus remarquables de ce grand mouvement historique. De toutes les écoles de l’antiquité, celle-là avait été la plus négligée. Depuis les premiers travaux de M. Cousin, un livre, savant, utile, il est vrai, mais où la philosophie avait, peu de place, celui de M. Matter, et un mémoire excellent de M. Berger sur la doctrine de Proclus, voilà tout ce qu’avait à son service un historien d’Alexandrie. Je ne parle pas de quelques publications récentes sorties du clergé : elles sont au-dessous de l’examen.

L’Allemagne, si riche sur d’autres parties de l’antiquité, ne pouvait être ici d’un grand secours. Brucker, Tiedemann, Tennemann lui-même, n’ont pas compris la grandeur d’Alexandrie. Ritter l’a souvent défigurée. Hegel seul, historien souvent chimérique, médiocrement érudit, mais doué au plus haut degré du sentiment du grand et de ce coup d’œil rapide et profond qui le découvre dans les plus obscurs monumens, a supérieurement jugé la philosophie alexandrine. Comprendre le panthéisme de Plotin, c’était se souvenir de lui-même.

C’est d’une plume française que sortira une histoire vraiment complète de l’école d’Alexandrie. Depuis cinq années, M. Jules Simon l’a prise pour sujet de ses leçons à la Sorbonne : aujourd’hui, il donne au public le fruit de ses solides et fécondes études et nous montre une partie déjà imposante du monument qu’il veut élever à l’honneur de cette grande école[1]).

Dans une préface trop courte à notre gré, mais riche d’aperçus métaphysiques, M. Jules Simon caractérise et apprécie en général l’école d’Alexandrie. Puis il se donne tout entier au principal objet de son ouvrage, et, s’attache à nous faire connaître, dans tous ses replis, la métaphysique alexandrine, depuis ses principes les plus abstraits jusqu’à ses dernières conséquences. Cette vaste exposition qui n’avait jamais été faite, et où se déploient avec éclat une intelligence philoso-

  1. L’Académie des Sciences morales et politiques, qui montre dans le choix des sujets qu’elle met en concours une si remarquable intelligence des besoins de la science, proposa en 1840, un prix sur l’école d’Alexandrie. Voyez l’intéressant rapport de M. Barthélemy Saint-Hilaire sur les résultats de ce concours, et particulièrement sur le mémoire de M. Vacherot, couronné par l’Académie.