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absolument des ressources du crédit. Il est d’ailleurs inutile de faire observer que le capital des caisses d’épargne ne devra jamais être jeté tout entier dans la circulation ; il faudra toujours une réserve considérable pour faire face aux, demandes de remboursement Nous estimons qu’une moitié seulement pourrait être mobilisée. On serait libre de donner encore à l’argent de ces caisses bien d’autres destinations ; nous avons cru devoir nous arrêter à celles qui découlent de la nature de leurs services. Dans douze années peut-être, les caisses d’épargne de Paris renfermeront un milliard il serait désolant de laisser cette masse de capitaux inerte, improductive, se rouiller dans le trésor public, au lieu de s’en servir à transformer la condition des classes ouvrières.

Pour résumer notre opinion sur la caisse d’épargne de Paris, la plus considérable de toutes celles du royaume, nous dirons que, tout en la regardant déjà comme utile, profitable et excellente, nous la croyons encore incomplète ; nous la regardons moins, en un mot, comme une institution faite que comme le noyau magnifique et imposant d’une institution à venir Elle est présentement un lieu de réserve, une sorte de grenier d’abondance, dans lequel l’ouvrier amasse gerbe à gerbe des provisions pour les momens de disette. Nous avons dit ce que nous voudrions qu’elle fût. La société ne peut vivre sans ces institutions tutélaires dont la France, l’Angleterre, la Belgique, la Suisse, l’Italie, l’Europe entière commence à se couvrir. L’état matériel du peuple, et par suite son état moral, ne peut s’améliore chez nous que par des établissemens qui favorisent le travail et l’économie. La révolution lui a donné la liberté, l’empire lui a jeté de la gloire ; c’est à un régime plus calme de lui assurer le nécessaire. Les caisses d’épargne nous semblent destinées à exercer une influence sur l’avenir des classes ouvrières : dans les 360 millions qui forment à cette heure la réserve du peuple, il y a plus qu’une fortune qui s’amasse, il y une œuvre qui s’accomplit. Long-temps la philosophie a cru pouvoir traiter avec une sorte de dédain ces questions positives qui s’adressent aux intérêts des masses ; aujourd’hui, nous savons que l’aisance d’une société concourt à ses développemens intellectuels : en 1789, c’est l’argent qui a racheté la pensée. A mesure qu’elles acquerront une propriété, les classes pauvres et obscures s’éclaireront. Il nous semble que nous marchons à ce progrès lentement, il est vrai ; mais le temps est la condition des œuvres de l’homme et, de celles de la Providence. Ne nous effrayons pas de l’état de désordre dans lequel l’industrie naissante a jeté toutes les conditions : cet état n’est que passager. Un