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d’impôts énormes qu’elle n’arrive jamais à soulever. Que faudrait-il à ces hommes pour sortir d’un si triste état ? Une première mise de fonds qui leur permît d’affranchir leur travail et leur personne de la dent des usuriers qui les rongent. Que la caisse d’épargne intervienne dans cette situation critique, et la face des choses va changer ; recevant d’une main, prêtant de l’autre, elle sèmerait sur celui-ci ce que celui-là aurait récolté, et rétablirait alors cette précieuse mutualité des intérêts qui concourt à l’union des citoyens. Il est important que les classes pauvres ne se sentent pas abandonnées ; ce prêt, si faible qu’il fût, et entouré de garanties raisonnables, aurait pour avantage de faire entrer l’espoir, et par suite l’amour de l’ordre, dans cette classe si nombreuse, que décourage la stérilité de ses efforts. On n’accuserait plus alors la caisse d’épargne de refouler l’homme dans l’unique considération de son intérêt privé. Si en effet l’économie favorise l’isolement, le prêt public, le prêt de l’économie au travail, développerait au contraire le sentiment de la charité. Nous avons plutôt pour but de soumettre ici une idée, un projet, que d’expliquer une organisation : il va sans dire que celle-ci rencontrerait des obstacles ; mais ce n’est pas une raison pour s’en détacher. La plus grande difficulté consiste dans la garantie à obtenir de l’emprunteur ; nous ne la croyons pas insoluble. Il serait d’ailleurs beau que, dans la suite, la moralité devînt une valeur escomptable ; en prêtant à l’ouvrier sur sa réputation, sa bonne conduite et sa capacité, on le relèverait déjà à ses propres yeux, et relever l’homme, c’est l’enrichir. Nos institutions économiques sont encore trop dans l’enfance pour que ces réformes ne soient pas traitées d’utopies : il existe pourtant déjà, au sein des administrateurs de la caisse d’épargne de Paris, deux camps, l’un formé d’esprits positifs et timides, l’autre d’esprits systématiques et progressifs, qui représentent la résistance et le mouvement. Nous croyons que le mouvement l’emportera. Pour l’instant, l’élément financier domine dans l’administration, et par conséquent l’immobilité. On nous objectera peut-être qu’il est tout simple de remettre à des banquiers la surveillance du maniement des fonds, et qu’on n’ira pas chercher des romanciers ni des poètes pour ranger des écus : très bien ; mais nous disons que des institutions comme celle-ci, des institutions amies de l’humanité, doivent tendre sans cesse à agrandir l’échelle de leurs services, et que les hommes de pensée ne sont pas inutiles à cette œuvre.

Une des améliorations les plus désirables et les plus dignes de cet esprit de charité que la philosophie a fait naître sera de combiner les caisses d’épargne avec les monts-de-piété. On arriverait par ce moyen