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variées, il faut que le pouvoir leur donne les moyens d’exercer sur ce qui les entoure une influence légitime et de soutenir le rang qu’ils ont à garder. Dans les deux Amériques, en Asie, dans les pays orientaux, dans le Levant, nos consuls doivent vivre sur le pied d’égalité avec les agens des autres nations européennes ; autrement leurs efforts se trouveraient paralysés. Le pays ne peut reculer sans honte devant des sacrifices dont le but, après tout, est d’assurer à la France une part plus grande dans le trafic du globe. A Manille, à Canton, à Macao, à Calcutta, à Bombay, etc., partout enfin, c’est à des maisons anglaises ou américaines que nos négocians et nos capitaines sont réduits à se consigner, et des comptoirs français seront plus faciles à fonder, quand des consuls considérés et puissans les décideront par leur présence.

Nous sommes tenté de penser qu’une exposition comme celle qui vient de se clore devrait être remplacée par une institution bien autrement profitable ; ce serait celle qui réunirait et mettrait sous nos yeux les produits étrangers, soit ceux qui nous font concurrence, soit ceux de pays lointains susceptibles de nous servir de modèles. L’instruction que nos fabricans ont reçue l’un de l’autre, cette instruction qu’ils ont donnée à l’étranger, ils la recevraient à leur tour, et le profit ne pourrait qu’en être immense.

Comme le président du jury[1], nous avons admiré la magnificence de nos soieries, en déplorant que les soieries unies, les rubans, les velours de Creveld, produits de l’Angleterre, de la Suisse et de la Prusse, prissent notre place à l’étranger ; — la finesse de nos tissus, la perfection de nos dentelles, en regrettant de voir que, si nous faisons de la batiste, nous avons besoin de l’Angleterre pour avoir du fil, et de la Belgique pour avoir de la toile ; — la légèreté de nos châles, en craignant qu’un retour de mode ne vienne quelque jour compromettre une industrie qui exporte aujourd’hui pour 27 millions, tandis que la draperie, fabrication sûre et régulière, reste stationnaire ou décroît ; — la richesse de nos tapis, qui à la vérité ne font pas de grands progrès dans l’usage domestique, parce que le haut prix les bannit des demeures modestes. Sur presque tout le reste nous adhérons à des louanges qui n’ont été répudiées par personne. Cependant, quand le but est aussi sérieux, les jouissances de la vanité devraient être comptes pour peu de chose.


D. L. RODET.

  1. Discours de M. Thénard, Moniteur du 31 juillet.