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l’envahissement du grand-duché de Berg et surtout de Glasgow. Cette dernière ville s’est substituée à nous dans tous les pays orientaux pour les cambayas et les mouchoirs rouges, dont une seule maison couvre pour ainsi dire le monde entier.

Les Anglais ont fait, il y a quelques mois, explorer en France la situation de l’industrie cotonnière[1]. Ils ont trouvé que sur quatre mille filatures grandes ou petites, à l’exception de celles du Haut-Rhin, les métiers et les machines étaient dans un grand état d’imperfection ou de détérioration. Dans l’Alsace, on imitait les modèles anglais ; mais l’établissement d’une filature bien ordonnée coûtait encore, malgré nos progrès, 30 pour 100 de plus qu’en Angleterre. Par l’emploi des cours d’eau, dont on peut disposer dans certains cantons, comme par exemple en Normandie, et ailleurs par une excessive économie dans le chauffage, on remédiait un peu à la cherté de la houille. Par défaut d’habileté, on employait ; pour produire des numéros à finesse égale, des cotons d’une valeur de 20 à 22 francs par 100 kilogrammes de plus que cela ne se fait en Angleterre, et cela suffirait pour indiquer le désavantage dont nous sommes frappés.

Si ces détails sont exacts, comme nous le pensons, ils- contribueraient à expliquer que c’est à la source première qu’est le mal, et que, lorsque nous aurons amélioré la filature, notre habileté dans la teinture et l’impression relèveront les parties les plus faibles de notre fabrication.

Notre infériorité dans la filature est telle, que, bien loin de prendre part à l’immense exportation en coton filé qui a lieu de la Grande-Bretagne, nous sommes obligés d’en recevoir d’elle, dans les numéros élevés, pour nos fabriques de mousseline, et cela en dépit des espérances que le droit protecteur avait fait concevoir il y a dix ans. La même cause, l’imperfection de nos filatures, et c’est une cause vitale, continue à empêcher le développement de notre commerce de bonneterie. Le Gard et l’Aube nous ont mis à même de juger à quelle énorme distance nous étions restés pour cet article. Soit en laine, soit en coton, la bonneterie est fort arriérée en France, et le haut prix paralyse non-seulement l’exportation, mais encore la consommation intérieure.


IV

A Dieu ne plaise que personne puisse voir, dans cette esquisse rapide des tendances et des erremens de l’industrie française, aucun dessein de rabaisser le mérite de nos laborieux manufacturiers. Nous

  1. Manchester Guardian, décembre 1843.