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françaises. S’il s’agit de la soie, nous présentons le velours, le satin, les étoffes riches et façonnées ; pour la laine, nous avons les draps fins, les mérinos, les châles ; pour le lin, les batistes, les linons ; pour le coton, enfin, nos toiles imprimées. Est-ce à dire que nous ayons atteint le but, et que cette excellence nous assure l’avantage sur nos concurrens ? Non, sans doute ; nous avons dépassé le but, mais nous n’avons pas su nous y arrêter, et tandis que nous fournissons aux exigences de la richesse et du luxe, nous avons de la peine à lutter quand nous devons travailler pour des acheteurs plus nombreux qui prennent à la fois en considération le prix et l’usage.

Indépendamment des causes générales que nous avons indiquées comme ayant plus particulièrement jusqu’ici paralysé les efforts de notre industrie, nous signalons encore les droits imposés sur les matières premières, dont l’action se fait sentir même en dépit des primes de sortie. Le fabricant ne sait pas toujours à l’avance qu’il travaille pour l’exportation, toutes les chances doivent lui être acquises ; puis, nous le redisons, les prohibitions absolues nous rendent inhabiles à connaître les rivalités que nous avons à combattre, et nous restons stationnaires quand il faudrait avancer.

Filer et tisser composent un des arts les plus anciens du monde. La laine des animaux, plus tard la soie, le lin, le coton, ont dû exciter vivement l’industrie des hommes, avant que l’on en vînt à produire les tissus d’espèces si variées qui signalent notre époque. Appliqués à l’embellissement de nos demeures et aux besoins de nos vêtemens, les tissus dont les populations font usage sont l’indice le plus certain de leur aisance ou de leur misère. Puis une puissance que tout le monde reconnaît, la mode, exerce un grand empire sur le choix des étoffes, comme sur les formes qu’elles doivent revêtir, et ce mobile en apparence si futile crée ou renverse la richesse en dépit souvent de la raison.

Presque tous les hommes sont susceptibles d’être vivement impressionnés par la vue d’une étoffe nouvelle, d’une couleur brillante, sombre ou bizarre, ou d’une coupe de vêtement se présentant inopinément à leurs regards. Si au sentiment d’une certaine étrangeté qui appelle l’attention, vient se joindre une appréciation d’harmonie, d’élégance ou de distinction dans la personne que nous voyons parée d’une façon à laquelle nous ne sommes point habitués, la mode est créée. Cette personne devient un type que chacun s’empressera d’imiter, sans songer que la grace que nous lui reconnaissons peut lui être tout-à-fait particulière, et cependant bientôt une population tout