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mais en même temps puissance exigeante, brisant tous les obstacles qui voudraient la faire dévier de sa route.

L’exposition n’offrait pas de local suffisant pour que les machines à vapeur pussent s’y produire dans toute leur magnificence. Elles n’y ont été admises en effet que sur échantillons ou comme spécimen de systèmes divers. Cela a suffi pour démontrer que nous n’avions plus rien à souhaiter sous le rapport de la perfection.

Une foule d’inventions variées, dont la conception a pour but d’aider ou de préparer les travaux des hommes, ont frappé tous les regards. Quelques-unes sont dues au génie national, un plus grand nombre sont d’origine étrangère, mais heureusement imitées. On ne peut s’étonner de ce que nous sommes souvent réduits à emprunter, car nous ne sommes pas poussés par le stimulant de la demande, qui force à la recherche de toutes les économies possibles dans la fabrication. Nous allons lentement, surtout avec l’incertitude d’un amortissement pour un capital industriel, toujours si onéreux à créer. Il est facile de juger que, sans l’existence des causes qui ont retardé chez nous le développement de l’industrie du fer, nous aurions fait de tout autres progrès dans l’avancement des arts mécaniques.

Les nations modernes, produites par les migrations, les conquêtes, les réunions et les fusions que l’histoire a la mission de nous retracer, ont cependant, au milieu de ces élémens divers, conservé quelques-uns des traits les plus saillans des principales races auxquelles elles se rattachent. En dépit des individualités sans nombre qui s’écartent de la masse, le caractère d’un peuple se définit aisément, et il est aisé d’en généraliser les défauts et les qualités. Dans la poursuite des travaux industriels, nous sommes prompts à entreprendre, faciles à décourager ; doués d’un esprit inventif, nous abandonnons aisément les découvertes que nous faisons pour les rechercher de nouveau quand l’expérience de nos rivaux a montré le parti utile que l’on peut en tirer. Cependant une chose qui est reconnue du monde entier, c’est que nous apportons dans la pratique des arts cette qualité précieuse que l’on appelle le goût et que l’on sent plutôt qu’on ne l’explique. En inventant comme en s’appropriant les inventions d’autrui, le Français cherche à donner à l’objet qu’il produit cette juste proportion dans la forme, cette heureuse harmonie dans le choix des couleurs, qui procurent à l’esprit observateur cette satisfaction qu’en-deçà on serait lourd ou grossier, qu’au-delà on pécherait par le défaut contraire. Si parfois un excès d’élégance entraîne vers la mesquinerie, si encore la séduction de l’étrangeté emporte vers des formes bizarres, le goût