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les élémens d’une guerre civile. Le gouvernement de la Grande-Bretagne, devenu plus libre, fixerait alors ses regards vers les États-Unis et vers la France. S’il en devait être ainsi, nos démêlés diplomatiques avec l’Angleterre seraient moins regrettables. Ils auraient eu du moins pour résultat de mettre fin à la plus grande injustice qui ait jusqu’à présent flétri l’honneur d’un peuple.

Un autre point préoccupe encore l’Angleterre, c’est la Grèce. Son influence y est menacée par la chute probable de M. Maurocordato et de ses collègues. L’Angleterre devra s’attribuer en partie cet échec. M. Maurocordato, en entrant au pouvoir, annonçait un esprit droit, des vues libérales, de la modération, un patriotisme éclairé, sachant apprécier les véritables intérêts de la Grèce. Des conseils imprudens l’ont jeté dans une mauvaise voie. M. Lyons en sait quelque chose. Les circonstances vont donner à M. Piscatory un nouveau rôle. Il ne s’est associé sans doute jusqu’ici à M. Lyons que pour ne pas compromettre par des dissidences inopportunes l’œuvre difficile d’un gouvernement nouveau, incertain dans sa marche. Aujourd’hui, si M. Coletti triomphe, et s’il a, comme on l’annonce, la ferme volonté de rester indépendant de la Russie, la situation de M. Piscatory cesse d’être indécise. Son influence doit dominer. M. Lyons en acceptera-t-il la solidarité ? Suivra-t-il à son tour l’exemple de prudence et de désintéressement que lui a donné le ministre de France ? Ceux qui connaissent M. Lyons et les instructions qu’il reçoit de l’Angleterre n’osent pas l’espérer.

L’opinion, en France, s’est occupée du voyage de M. de Nesselrode à Londres. M. Billault en a parlé à la tribune. Le diplomate du Nord va-t-il remercier l’aristocratie anglaise de l’accueil empressé qu’elle a fait à l’empereur Nicolas ? Va-t-il, à la faveur des démêlés récens de la France avec l’Angleterre, reprendre l’œuvre de M. de Brunow ? A-t-il reçu l’ordre de se concerter avec le cabinet anglais sur les questions de l’Orient, de la Grèce et du Maroc ? Nous ne pouvons dire qu’une chose à ce sujet : c’est que le moment du voyage est admirablement choisi. Nous pensons que cet incident diplomatique n’est pas indigne de l’attention des gens sérieux.

Pendant que M. de Nesselrode est à Londres, on se demande en France si le roi Louis-Philippe ira voir en Angleterre la reine Victoria. On ne peut se dissimuler que l’affaire de Taïti a rendu ce voyage assez problématique. Si la réparation que l’Angleterre exige est accordée, le voyage sera peu populaire en France ; si la réparation est refusée, l’accueil de l’Angleterre ne pourra pas être très empressé. Néanmoins, les personnes qui se prétendent bien informées persistent à dire que le voyage se fera au mois d’octobre. S’il se fait, puisse-t-il avoir du moins un résultat sérieux ! Puissent les deux couronnes, noblement inspirées, comprendre que l’alliance des deux peuples, pour être solide, doit revêtir un autre caractère ; qu’il faut la faire sortir de ce cercle étroit où on l’a renfermée ; que les deux gouvernemens s’abaissent dans cette politique d’observation mutuelle, de surveillance réciproque et de