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et pour capitale une charmante ville, Angra ; telle est la description de ce petit Éden, et l’on m’accordera facilement, sans que je prétende en aucune façon porter atteinte au mérite de personne, qu’une expédition commencée en pareil lieu n’offrait pas du moins en perspective à ses chefs tous les désastres d’une campagne de Russie ou de la guerre dans les montagnes du pays basque. » Ne remarquez-vous pas dans cette pointe d’ironie l’homme du métier qui se trahit chez l’écrivain ? Ici la main qui tient la plume se souvient de l’épée, et je retrouve l’épigraphe du livre. Il ne veut porter atteinte à la gloire de personne, et cependant il ne peut s’empêcher de sourire en songeant à cette campagne d’hommes du monde sous un ciel élément et favorable. Évidemment cette guerre en plein Éden est presque du dilettantisme pour lui qui a bataillé dans ces montagnes du pays basque et qui sait ce qu’il en coûte.

À côté du duc de Terceira figure le duc de Palmella, compagnon d’exil du comte de Villa-Flor en Angleterre, président de la régence dans l’île de Terceira et plusieurs fois ministre. Le marquis-duc occupe une trop large place dans l’histoire contemporaine du Portugal, pour qu’un touriste qui tient à faire les choses en conscience néglige de s’informer de lui. Le marquis de Palmella, on le sait, se signala au débarquement de Mindello, et contribua puissamment à la formation d’un gouvernement provisoire. À la tête du conseil des ministres, en 1834 et 1835, on le vit reparaître pour la dernière fois au cabinet, pendant le court espace qui s’écoula entre la révolution d’Oporto et le rétablissement de la charte. Élevé aujourd’hui à la présidence de la chambre des pairs, et par conséquent au-dessus des fluctuations ministérielles, comblé par la fortune, investi pour lui et sa famille d’honneurs et de dignités de toute espèce, le noble duc semble avoir touché au terme de son ambition, et tout porte à croire qu’après tant de vicissitudes et de traverses, il ne quittera plus cette retraite pour rentrer dans les débats de la politique active. « Quand j’arrivai à Lisbonne, écrit l’auteur du livre sur le Portugal, le duc de Palmella habitait sa magnifique villa de Lumiar. Nos lettres se croisèrent, et je désespérais de le joindre, lorsqu’un matin il vint, ou plutôt se glissa chez moi sur la pointe du pied et comme à la dérobée ; c’est un petit homme d’une taille insignifiante, au visage pâle, au nez d’aigle, aux traits italiens et marqués. Rien, du reste, d’original ou d’imposant dans sa physionomie. Ses yeux seuls, où la finesse perce, et son sourire particulier indiquent une nature supérieure. Je ne crois pas que ce sourire ait jamais réjoui personne, quoique le duc passe pour généreux et bienveillants peut-être aussi faut-il y voir une qualité diplomatique. Le duc de Palmella, en dépit du peu d’avantages de sa personne ; se présente avec une très grande dignité, et dans les occasions solennelles, lors de l’ouverture des chambres, par exemple, ne laisse pas de faire excellente figure sur son fauteuil de président, où il trône revêtu de l’ancien costume espagnol. Sa villa de Lumiar est une délicieuse résidence, dans laquelle le luxe de la vie moderne étale