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se fût retiré satisfait. Je voulus voir cette maison, bâtie dans des proportions plus que modestes. Elle a pu être assez comfortable, mais, à coup sûr, le luxe n’y est jamais entré. Sur une colline voisine où s’adosse une partie de la ville s’élèvent les ruines d’un antique château-fort d’origine mauresque. Il est faux, comme on l’a prétendu, que Pombal ait jamais habité ce château et mené là un train de prince. Pombal vécut seul avec sa femme, une comtesse Daun, et son secrétaire, qui lui faisait la lecture. Du reste, déjà au temps de Pombal, ces ruines étaient inhabitables. Les seules traces qui témoignent encore de la présence du célèbre marquis sont d’abord un système mieux entendu dans la culture de la terre, puis çà et là quelques fondations municipales, des aqueducs, des puits, deux bâtimens publics et une chaussée garnie d’une double rangée d’arbres conduisant jusqu’aux limites de ses domaines. »

Du reste, s’il faut en croire le gentilhomme allemand, le nom du marquis de Pombal, encore assez vivace dans un coin du Portugal, a singulièrement perdu de sa gloire et de son éclat dans la capitale du royaume. Voilà soixante-dix ans à peine que le célèbre ministre a quitté la scène, et déjà cette Lisbonne qu’il releva de ses mains ne se souvient plus de lui ; triste chose quand un pays honore si peu ses hommes illustres, et qui marque d’ordinaire les jours de décadence et d’abaissement moral. Toutefois, ce nom que la haute classe a si vite oublié de parti pris (et convenons qu’elle avait bien ses raisons d’en agir de la sorte), ce nom se retrouve encore dans le peuple, et il n’est pas rare d’entendre une bouche grossière répéter, en faisant allusion aux hommes du jour, la fameuse épigramme qui courut Lisbonne au lendemain de la chute de Pombal : « Mal per mal melhor Pombal. » Je ne sais, mais, en lisant l’histoire de cet homme singulier, je ne puis m’empêcher de penser au cardinal de Richelieu. Il y a évidemment plus d’un trait de ressemblance entre ces deux ministres, toute proportion gardée, bien entendu, et en admettant la différence respective des deux pays. Seulement Pombal obéissait peut-être à une nécessité plus impérieuse, plus absolue, nécessité du moment qui ne permettait pas d’attendre. De là l’expulsion des jésuites et l’exécution d’Aveiro et de ses neuf complices. Il faut dire que le ministre portugais avait à faire aux prétentions d’une noblesse bien autrement démoralisée et corrompue que celle de Richelieu. Mais le plus beau titre, le plus incontestable, du marquis de Pombal à la reconnaissance de l’histoire, est à coup sûr la conduite qu’il tint après le tremblement de terre, et dont le spirituel touriste raconte en détail les merveilleux résultats. La Lisbonne d’aujourd’hui, reconstruite presque entièrement par ses soins et son génie, est à vrai dire un monument élevé à sa gloire.

L’ère nouvelle du Portugal s’ouvre, comme on sait, à la révolution de 1832. C’est de ce moment que procèdent toutes les individualités plus ou moins illustres appelées depuis à jouer un rôle dans les affaires, c’est de là que datent