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pour lesquelles, dites-vous, vous écrivez ! Qu’importe que la moralité arrive à la fin du livre, comme dans une fable ; l’auteur n’a pas moins offert à son scrupuleux public, sous le prétexte de l’édifier, des scènes d’un goût suspect. M. Veuillot, je le sais, a une réponse à tout : ses livres se vendent. Quoi ! il n’aspire qu’à ce résultat ? Vraiment il laisserait croire, ce que nous ne voulions pas penser, que la littérature religieuse, en de certaines mains, n’est qu’une branche particulière de la littérature industrielle. Ce serait de l’industrie littéraire ni plus ni moins que le Diable à Paris, les Étrangers à Paris, et toutes ces publications où l’on cherche à attirer le public avec des noms célèbres et des images.

Il est évident que le métier porte malheur ; autrement, comment se ferait-il que ces écrivains pour la plupart spirituels ne réussissent à faire, en s’associant, qu’un livre où l’esprit brille par son absence. Réunis dans un but de lucre, sans que l’art y soit pour rien, ils élèvent un ou deux étages de quelque mesquine Babel, où l’ignorance de l’architecte se fait remarquer comme l’indiscipline des travailleurs. L’influence du lieu pèse si fort sur l’écrivain, que son talent, s’il en a, s’évanouit dès le seuil. L’inspiration méconnue se venge et se vengera si bien, qu’elle disparaîtra pour ne plus revenir. C’est ce qui est déjà arrivé à plusieurs. Que ceux qui ne sont pas encore mortellement frappés y songent la chose en vaut la peine ; il s’agit de tout leur avenir.


PAULIN LIMAYRAC.