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Après cette analyse, on, comprend ce que c’est que Madame de Favières ; Ce n’est ni, un roman historique ni un roman de passion, c’est un roman de fantaisie. M. Houssaye joue avec son sujet, qu’il ne prend pas au sérieux ; il s’amuse à peindre des pastels qu’il ne prétend pas sans doute nous donner ; pour la nature. Il écrit avec le pinceau de Watteau, et s’ingénie à reproduire Marivaux ou Dorat. Il aurait mieux à faire : il y avait dans son talent une naïveté et une fraîcheur dont on pouvait tirer un meilleur parti, et qu’on pouvait employer à quelque chose de mieux que des pastiches, si gracieux, qu’ils soient. Seront-ils d’ailleurs toujours gracieux ? M. Houssaye écrit vite et beaucoup : l’industrie littéraire aura frappé à sa porte, que le jeune romancier aura par mégarde laissée entrouverte.

Parlerons-nous d’un nouveau prône-roman, de M. Louis Veuillot ? Aux quelques lignes que nous avions consacrées ici à ses homélies sentimentales et romanesques, M. Veuillot répond par une longue préface. Il a si peu d’amour-propre littéraire ! Que lui importe la critique ? Pourquoi donc se débat-il pendant quinze pages contre le souvenir d’une innocente piqûre ? Aurions-nous contesté la sincérité de ses convictions ? Au contraire, mais nous avons dit, que ses romans ne nous intéressaient guère. C’est assez, M. Veuillot ne se contient plus ; il est dévot, et il s’emporte. Bien plus, il nous excommunie sans façon, car c’est merveille de voir comment ces convertis d’hier matin lancent facilement les foudres du haut de leur petit Vatican ! Cependant que M. Veuillot réfléchisse un peu : parce que ses contes ne m’amusent point, est-ce une raison pour que je ne croie pas à l’Évangile ? A la vérité, je n’ai pas l’habitude de me mettre toute la journée à la fenêtre pour crier aux passans : « Je suis catholique, apostolique et romain. » Je crois même qu’il vaut mieux ne pas crier si fort et être un peu plus ému au fond de son cœur. Peut-être sommes-nous bien arriéré, et ne sommes-nous pas tout-à-fait au courant de ce qui se passe ? Il me semble comprendre cependant que les nouveaux apologistes ont détrôné l’humilité chrétienne et l’ont remplacée par l’outrecuidance, et que dans ce coin de sacristie, quand on a un petit talent, on est autorisé à se croire un grand homme et à s’imaginer qu’on est une armée quand on est un pauvre soldat. J’avoue que tant de confiance en soi me désarme, et que je n’ai pas le courage de rire de M. Veuillot s’écriant, avec des airs de matamore, qu’il accompagne, la plume au poing et pistolets à la ceinture, la religion de ses pères pour la défendre envers et contre tous. M. Veuillot a l’air de penser qu’il tire la religion d’un grand embarras, et qu’elle ne pourrait en aucune façon se sauver sans lui.

C’est avec ses romans, autant et plus qu’avec sa polémique étourdie et violente, que M. Veuillot a la prétention de porter un puissant secours au catholicisme. Or, voici ce que c’est que l’Honnête Femme ; c’est un tableau assez vulgaire des mœurs de province, une peinture peu délicate d’un monde où de vilaines gens, hommes et femmes, se livrent à des infamies cachées, à des capitulations de conscience. Les belles choses à offrir aux jeunes filles