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oublie de me la communiquer. Néanmoins M. Morvonnais a prouvé qu’il avait une remarquable habitude de la forme poétique, et je le félicite de s’être efforcé, comme il nous l’apprend, de rapprocher son vers du vers de Virgile : Il a réussi, quelquefois ; il est vrai : qu’il a échoué, souvent : la poésie de Virgile s’est montrée à lui pour lui échapper.

Et fugit ad salices…


Qu’il coure après ; c’est le meilleur moyen de séduire cette Galathée.

Je souhaite qu’il m’entende, d’autant plus qu’en courant de ce côté M. Morvonnais, je l’espère, s’éloignera de quelques idées singulières qui sont venues frapper à la porte de sa Thébaïde et mêler leurs inspirations suspectes aux douces rêveries du soir. Oui, les fouriérisme, qui, le croirait ? s’est assis au foyer de l’homme de la solitude : L’auteur des Larmes de Madeleine parle en effet, dans sa préface, du mode simple, du mode composé, et du reste, en disciple expert de Fourier, de telle sorte qu’au prochain poème les Reflets de Bretagne menacent de devenir des reflets de phalanstère. Il y a vraiment danger, si le poète sans retard, ne chasse le faux ami qui s’est introduit dans son foyer. Cela fait, qu’il retourne seul à ses grèves, et aux simples inspirations de sa raison et de son cœur, dussent-elles être monotones.

Je sais un recueil qui ne serait pas monotone, s’il tenait ses promesses et si son titre n’était menteur. Il est là, ce recueil ; c’est une brochure d’environ cent pages qui s’appelle la Poésie de l’Histoire, rien que cela, c’est-à-dire ce qu’il y a d’éclatant et de triste dans les annales de l’humanité. La Poésie de l’Histoire ! c’est-à-dire l’odyssée des douleurs et de la gloire des nations. Pour un si vaste sujet, ce ne serait pas trop d’Homère, et nous avons M. Belmontet et sa brochure. Cette brochure a une préface, laquelle préface est intitulée en gros caractères : Un Poète de l’Empire, ce qui est, pour M. Belmontet, la dénomination la plus enviable et la plus glorieuse. En effet, dit il, puisque la littérature est l’expression de la société, et que l’époque impériale est une époque de merveilles, la poésie impériale est une poésie à nulle autre seconde. Voilà qui est clair et d’une argumentation triomphante ; cela est mathématiquement vrai, et la poésie de Delille égale Austerlitz. Ce n’est pas tout, et ce raisonnement, tout vigoureux qu’il est, ne suffit pas encore, à notre auteur, qui, pour agrandir la gloire de la poésie de l’empire, a eu recours à l’ingénieux moyen que vous m’auriez jamais imaginé, et qui consiste à donner le nom de poète de l’empire à tous les poètes qui sont venus au monde sous l’empire. Ah ! M. de Lamartine et M. Hugo ne sont pas des poètes de l’empire ! dites-vous. Allez consulter leur acte de naissance, vous répond victorieusement M. Belmontet. Ah ! M. de Musset n’est pas un poète de l’empire, parce que, dites-vous, il n’a écrit ses premiers vers qu’en 1829 ! Et moi, je vous dis, réplique, vertement M. Belmontet, que M. Alfred de Musset était au berceau à la chute du grand homme. Voilà qui ferme la bouche à tout, comme dit Molière. Qui donc oserait contredire M. Belmontet,