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très considérable, et l’on peut dire que la direction ou plutôt la réorganisation de l’instruction publique lui est à peu près exclusivement confiée. Ses études sur l’enseignement public ne sont pas du reste les seuls travaux qui aient fait sa position officielle ; M. Gil y Zarate, — c’est là un titre assez peu connu hors de l’Espagne pour que nous nous empressions de le constater, — a aussi rassemblé les élémens, et avec M. Alcala-Galiano rédigé les nombreux articles de la fameuse loi sur les municipalités.

Au demeurant, quand il se laissait ainsi absorber en grande partie par les soins de l’administration publique, M. Gil y Zarate n’avait point renoncé au théâtre et aux luttes de la presse. Ses tragédies et ses drames se sont coup sur coup succédé, à partir de 1835 ; ses comédies sont plus anciennes ; elles remontent presque toutes à 1828. C’est également depuis 1835 que M. Gil y Zarate a composé son Manual de literatura, qui renferme, à vrai dire, la charte de l’école nationale, dont il a si puissamment contribué à relever les ruines. C’est depuis 1835 qu’il a publié, avec don Cristobal Bordiu, ces courtes et substantielles études sur diverses questions d’administration et de politique dont les jeunes publicistes font chaque jour leur profit, et l’on formerait dix volumes des essais qu’il a écrits çà et là dans les journaux et dans les revues, dans la Revista de Madrid notamment, sur les plus âpres problèmes de réforme sociale et d’administration ; c’est depuis 1835 qu’il a prononcé au Lycée de Madrid ses remarquables leçons d’histoire romaine, tout récemment recueillies en -volume. M. Gil y Zarate avait dans l’enseignement public un précédent méritoire ; après les convulsions de 1823, le Consulado de Madrid (la chambre de commerce), animé d’un esprit d’initiative que le vieux régime absolu se chargea bientôt de décourager, avait fondé des écoles gratuites où les lettres, les langues, les sciences, étaient d’abord sérieusement représentées. Pendant huit ans, M. Gil y Zarate y a occupé la chaire de langue française. A partir de 1833, cette institution du Consulado a été continuée par l’Athénée et le Lycée ; mais le Lycée ne tarda point à se désister de ses prétentions littéraires et scientifiques : c’est aujourd’hui un casino fashionable, un salon de peinture et de sculpture ; la jeunesse élégante s’y donne des fêtes somptueuses, bals, concerts, et parfois joûtes poétiques ; le bon public madrilègne a pu tout à son aise y applaudir Rubini. Si déchu pourtant que soit le Lycée de sa splendeur première, on n’a pas oublié tout-à-fait qu’il a quelque temps été le rival de l’Athénée par les leçons brillantes de M. Gil y Zarate et du malheureux poète Espronceda.