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continue à écrire çà et là ; il donne des, vers à l’Almanach des Muses rédigé alors par Chamisso, il publie en 1835 un recueil de poésies qui ne méritait guère d’être remarqué et qui le fut peu en effet. Surtout il s’occupe de littératures étrangères ; la vieille poésie anglaise, française, italienne, l’attire beaucoup, et il achève en 1835 une traduction des ballades de Percy qui ne peut trouver un éditeur. C’est vers cette époque qu’il se familiarise avec cette philosophie de Hegel dont l’aspect étrange et la langue barbare l’avaient d’abord épouvanté. Pour sauter par-dessus ces barrières, pour pénétrer dans l’intimité de la doctrine, il lui fallait un guide ; un de ses amis, M. Julius Moecke, se charge de l’introduire. Dès ce jour, la révélation sera complète pour M. de Sallet, et la pensée du philosophe s’emparera de toute sa vie.

Forcé de quitter Berlin pour quelques années, il emporta avec lui ces idées nouvelles et en nourrit désormais son ame. Quand il revint à Breslau, en 1839, la philosophie de Hegel, étudiée par lui de plus en plus, n’avait pas un disciple aussi dévoué, aussi scrupuleusement fidèle. Ce qui l’avait surtout frappé et subjugué, c’était ; disait-il, l’évidence religieuse, le caractère divin de cette morale. Au milieu des incertitudes du présent (faut-il dire s’il fut plus heureux ou plus à plaindre que tant d’autres chercheurs morts à la peine ?), il avait trouvé dans les doctrines de M. Strauss et de M. Feuerbach le repos auquel aspirait son ame ; car, bien qu’attiré par Hegel d’abord, il s’était attaché bientôt à cette partie de son école qui, sous le nom de jeune école hégélienne, venait d’introduire des dogmes tout-à-fait nouveaux. Ces dogmes, il les approuvait, il les aimait. Tandis que ses coreligionnaires nous offrent surtout, au milieu des déchiremens du scepticisme, des ames violentes, des intelligences troublées, chez lui il n’y a aucun trouble, aucune violence, c’est la ferme candeur du lévite. Voilà son rôle dans cette histoire des idées, voilà la place qu’il occupe dans ce groupe bizarre. Cette candeur, cette conviction naïve, quoique très décidée, il va la manifester enfin dans le livre qui a désigné son nom à l’attention de la critique sérieuse. C’était le moment ou la nouvelle école hégélienne s’efforçait de populariser, d’appliquer à sa manière les théories de la métaphysique ; les Annales de Halle venaient d’être fondées, et M. de Sallet y avait envoyé de Breslau plus d’un article. Tandis que ses amis s’adressaient à la presse, tandis que les publicistes armaient leur plume pour le succès de leur entreprise, M. de Sallet convia au même travail la muse qu’il avait tant aimée ; il résolut de présenter en images, en récits, en paraboles le catéchisme des idées hégéliennes, de le donner sans bruit, sans aucune