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la main, et que son salaire était descendu d’une livre sterling par semaine à sept shillings, Fauster ajouta : « Les tisserands de Glasgow savent que les machines doivent continuer à marcher, qu’il est impossible de les arrêter ; ils savent, aussi que tout ce qui est instrument, outil d’agriculture ou de manufacture, est une force mécanique, en d’autres termes une machine, que tout ce qui est au-delà des dents et des ongles est une machine. Il n’y a qu’à s’y résigner. En parlant ainsi, j’exprime l’opinion de la majorité de mes confrères. »

Ajoutons que des découvertes aussi décisives, aussi révolutionnaires que celle de la vapeur et de ses applications, ne se renouvellent qu’à de longs intervalles, et ne peuvent être considérées que comme des faits exceptionnels dans le cours des siècles. Après un élan pareil, ordinairement le génie humain, se repose, et à ce point de vue notre époque, pleine de surprises, se détache des temps réguliers. Les douleurs de l’enfantement pèsent sur nous ; notre génération souffre pour les générations qui vont suivre ; mais ces douleurs sont glorieuses comme celles de la fécondité, elles en ont le charme et les angoisses. Il en est ainsi pour la liberté industrielle et commerciale, dont les écarts seuls nous frappent, et pour cette colonisation algérienne, pleine de sacrifices si méritoires. Partout nous préparons l’avenir en vaillans pionniers : ici, jaloux de laisser dans nos institutions et dans nos lois les germes d’une émancipation féconde, là, sur le sol de l’Afrique, l’empreinte de notre nationalité. Faut-il se rebuter parce que la besogne est rude, la plainte vive, le sol ingrat ? Faut-il retourner sur nos pas à la vue des difficultés qui nous attendent encore, renoncer à assainir ce qui est insalubre, à fertiliser ce qui est stérile ? Suffira-t-il de quelques mécomptes pour nous faire abandonner et les conquêtes de principes et les conquêtes de territoire ?

Il est des personnes que les maux du temps découragent, et qui volontiers les imputeraient à un affranchissement trop précoce du travail. Les souffrances de l’artisan au sein de l’atelier, les violences des coalitions, l’abus des forces humaines, les fluctuations du salaire, les brusques déclassemens opérés par l’emploi des machines, les écarts de la concurrence, l’audace des sophistications, tous, ces symptômes, et d’autres encore, leur rendent la liberté de plus en plus suspecte, et, pour échapper à ces inconvéniens, ils ne sont pas éloignés de se réfugier dans l’arbitraire ou de se livrer à l’empirisme. C’est un sentiment qu’il faut combattre avec les armes de la raison, et l’économie politique a pour principal devoir de maintenir le travail dans les voies où notre révolution l’a fait entrer. L’avenir n’est