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femmes. C’est une exploitation odieuse qui se consomme à la face du ciel, et où la créature faite à l’image de Dieu descend jusqu’au rôle de la brute. À la bonne heure ; il ne reste plus alors qu’à expliquer une inconséquence singulière. Dans les pays même où cette accusation trouve de nombreux échos, où la plainte contre le régime industriel a le plus d’énergie, on se donne un mal infini pour en accroître les applications. On trouve que la manufacture énerve, pervertit, abaisse l’homme, et l’on fait tout pour que la manufacture absorbe chaque jour des populations plus nombreuses. Encore s’il s’agissait d’industries naturelles, le danger serait moindre ; mais c’est d’une manière artificielle, à l’aide de lois prohibitives et de tarifs exagérés, empiriquement et à l’aventure, que l’on fait naître une foule d’industries caduques et précaires. Au lieu de s’apitoyer sur les êtres qu’opprime l’atelier, il serait bien plus sage de les arrêter en chemin et de n’y laisser arriver que le contingent nécessaire. Pour cela, il n’y a pas même à agir ; il suffit de s’abstenir à propos et de ne pas vouloir tout produire ; il suffit de remplacer le travail direct par l’échange, et de prendre l’étranger pour fournisseur, là où il opère avec moins d’efforts et avec plus d’avantages.

C’est la liberté en matière de commerce qui peut seule assainir l’industrie, lui rendre son équilibre et faire cesser les tristes hécatombes qui s’y succèdent. Aucun principe n’a plus de vertu, plus d’efficacité. M Rossi en a fait l’objet de deux chapitres qui sont des modèles de clarté, de logique et de raison. Il y a vraiment du vertige au fond de cette prétention qu’ont aujourd’hui les peuples, même les plus éclairés, de se passer de leurs voisins tout en les mettant à contribution, de leur fournir le plus d’objets possible sans en rien recevoir, de fermer leurs propres frontières en demandant l’accès des autres états. Ce sont autant de contradictions qu’expliquent seules l’âpreté habituelle des intérêts et les terreurs puériles dont ils s’inspirent. On a l’air de chercher autour de soi des nations qui consentent à être dupes, et l’on dirige contre elles des tarifs de douane comme des machines de guerre. Tout cela est désastreux en pratique, insensé en théorie. S’il est une vérité démontrée, hors d’atteinte, c’est qu’un étal ne perd pas nécessairement ce qu’un autre gagne, et qu’il paie toujours en produits de son sol et de son industrie les produits que lui fournissent l’industrie et le sol étrangers : d’où il suit que chacun d’eux doit s’attacher à faire ce qu’il fait bien et à bon compte, et demander aux autres ce qu’ils font mieux et à meilleur marché que lui. Cette loi si simple est cependant méconnue. De toutes parts, on af-