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dominait toutes les autres, qui menaçait de briser la Suisse et fixait par conséquent l’attention de l’étranger, venaient se joindre les déplorables affaires de Neufchâtel, de Bâle, de Schwitz, cantons où la guerre civile était toujours imminente, et où elle devait laisser de si profondes et douloureuses traces. Au milieu de ces conjonctures délicates, les députés de Genève n’eurent qu’une pensée : se séparer de la faction qui poussait à une résistance aveugle, faire au temps et aux évènemens des concessions raisonnables, sans se laisser emporter par les exagérations du parti radical. Les opinions extrêmes reprochaient avec une égale aigreur, aux députés de Genève, cette politique de tempéramens ; ils ne s’en laissèrent point détourner et gardèrent résolument leur ligne. Cette sagesse porta ses fruits. Peu à peu leurs intentions furent mieux comprises, et leurs idées, gagnant chaque jour du terrain, finirent par triompher devant la diète. Nommé membre de la commission fédérale chargée de la révision du pacte, M. Rossi continua à y défendre les plans de transaction qui lui semblaient être la seule issue possible de ce débat, et il eut la satisfaction de les voir adopter même par des commissaires qui avaient appartenu au parti radical. Une fois dans cette voie, il devint facile de s’entendre et de poser les bases d’un pacte nouveau. Ce fut à M. Rossi qu’on délégua le soin de résumer la discussion et de rédiger le rapport.

Il s’agissait de concilier les principes avec l’histoire, et de conserver l’existence politique des petits cantons sans rendre impossibles les améliorations et les progrès que les grands cantons avaient raison de désirer. C’est le problème que M. Rossi essaya de résoudre dans un travail fort étendu où il aborde les plus hautes questions de politique, de droit public et d’économie sociale. Il commença par distinguer deux ordres bien différens de confédérations : celles où les états particuliers n’ont que la portion de droits qu’un pouvoir central préexistant leur dispense et leur abandonne, et celles où au contraire le pouvoir central ne prend naissance et n’existe que par les concessions que les souverainetés locales et préexistantes veulent bien lui faire. Or, le plus simple calcul indique que la Suisse appartient à la seconde de ces catégories, et qu’il serait dès-lors ridicule de vouloir en faire tout à coup un état unitaire, ou quelque chose de semblable à une confédération américaine. La Suisse, d’après M. Rossi, n’est et ne peut être un véritable état fédératif ; elle est plutôt une confédération d’états.

On devine maintenant quelles conséquences devaient découler d’un principe ainsi posé. Il en résultait évidemment le respect des régimes