Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/559

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tière des examens. À ce point de vue, la faculté de Paris est encore en arrière des universités de Bologne et de Pavie. M. Rossi se trouva donc en contact, dès son début, avec cette économie politique dont il devait être l’un des interprètes les plus judicieux ; il en aborda les problèmes avec tant de sûreté et d’aisance, que son professeur Valeriani ne voulait pas croire que cette étude lui fût nouvelle.

Quand il s’agit de choisir une carrière, M. Rossi se décida pour le barreau. Après avoir rempli pendant deux ans les fonctions de secrétaire du parquet près la cour royale de Bologne, il revêtit la robe d’avocat et se voua à la plaidoirie. Dès ses premiers pas, il fut aisé de voir que rien en lui ne se ressentait du praticien vulgaire, et qu’il ne se traînerait pas dans l’ornière de la profession. L’esprit du jurisconsulte, le souffle du criminaliste, animaient ses travaux et le suivaient jusque dans les minutieux détails de la procédure. Une maturité précoce, un jugement solide et net, la faculté d’embrasser d’un coup d’œil l’ensemble d’une controverse et de la résumer en quelques traits rapides et concluans, une dialectique aussi impénétrable qu’acérée, vive dans l’attaque, vigilante dans la défense, un essor élevé même en des sujets qui n’y semblaient pas compatibles, une dignité réelle, une tenue parfaite, une parole sûre d’elle-même, ornée, éloquente, souvent ingénieuse, parfois énergique, telles furent les qualités dont le jeune avocat fit preuve à la barre des tribunaux de Bologne, et le souvenir de quelques affaires qu’il soutint avec un talent réel n’est pas encore effacé en Italie. – Cependant le barreau ne pouvait être, pour une intelligence de cette trempe, qu’une sorte de gymnastique et de préparation. Il est rare que les hommes vraiment supérieurs puissent vieillir dans cette profession : beaucoup la traversent, peu s’y fixent. Ainsi fit M. Rossi, et en Italie même il aborda la carrière de l’instruction publique, y occupa deux chaires, et professa les élémens du droit civil au lycée de Bologne, et ensuite la procédure civile et le droit pénal l’université de la même ville.

Il venait à peine de se consacrer à l’enseignement, que les évènemens de 1814 et de 1815 éclatèrent et modifièrent profondément le sort des états Italiens. À l’unité éphémère et au joug uniforme que Napoléon y avait fait prévaloir succédèrent les douleurs du fractionnement et les excès des tyrannies locales. Désormais plus d’indépendance pour la pensée et peu de sûreté pour les personnes. Il faut croire que cette perspective exerça une grande influence sur les déterminations de M. Rossi : ce n’est jamais sans combat que l’on dit adieu au sol de la patrie et que l’on cherche un ciel plus clément. S’il se résigna à