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avant même que les évêques eussent pris la résolution de les écrire. On a trouvé plus sûr de leur donner un conseil public, un avis officiel, et ils l’ont suivi. Nous plaignons l’épiscopat d’en être réduit à s’inspirer à de pareilles sources, surtout si les instructions qu’il y puise émanent réellement, comme on le dit, d’un pouvoir devant lequel il a déjà tremblé plus d’une fois.

Il est temps encore pour l’épiscopat de sortir de cette situation, où il compromet par ses faiblesses des intérêts plus grands que les siens. Qu’il recouvre son indépendance, qu’il s’élève au-dessus d’une sphère où l’on s’agite dans un but étranger à sa mission. On le jette malgré lui dans la politique et au milieu des passions du jour, on associe sa cause à celles des ennemis de la royauté ; on parle de lui faire signer des pétitions, ou lui demandera bientôt son concours dans les élections contre le gouvernement de juillet. Qu’il se renferme dans le sanctuaire ; il aura pour lui la reconnaissance des amis de l’ordre, qui sauront bien défendre avec lui la religion, si jamais elle est sérieusement attaquée. Nous tenons ce langage aux évêques parce que nous les croyons déjà revenus de beaucoup d’erreurs ; mais sils conservent des projets ambitieux, nous leur dirons que depuis un an ou deux ils ont pu mesurer leurs forces ; ils savent maintenant que le pays a peu de goût pour les doctrines ultramontaines. La France est religieuse, mais elle veut être libre. L’esprit gallican, qui a été l’honneur et la vertu de nos pères, domine encore dans notre société. C’est un esprit peu agressif, il est indulgent, il est patient, mais il est ferme. Si l’épiscopat veut entreprendre de le dompter, il s’y brisera.

Quoi qu’il en soit, cette question religieuse n’a pas au fond l’importance quelle paraît avoir, et que s’efforcent de lui donner les violences intéressées des factions. C’est un de ces débats qui peuvent se prolonger plusieurs années, dans le temps où nous vivons, sans agiter gravement la société. Les excès même que l’on a commis rendront la conclusion plus facile en indiquant nettement le côté où se trouvent la vérité et la justice. Un pays mûr ne se laisse pas long-temps émouvoir par des déclamations. On aura beau crier à la tyrannie, on ne fera pas du gouvernement de juillet un oppresseur du clergé, et de l’épiscopat une victime. Le parti ecclésiastique n’est pas l’Irlande, et nous ne sommes pas l’Angleterre. Rassurons-nous donc. Cette question des huit mille bourses, pas plus que celle du programme de philosophie ou des certificats d’étude, ne dérangera pas même l’équilibre des partis dans le sein du parlement. Le ministère, il est vrai, en souffrira. La discussion à la chambre des députés montrera toute l’étendue de ses fautes : en dehors du ministère, aucune situation ne sera sensiblement modifiée. Lorsqu’on a vu des dissidences profondes sur des questions aussi graves que celles de l’Algérie ou de la conversion des rentes ne pas apporter le moindre obstacle à la formation de plusieurs cabinets, il serait assez surprenant que la question des écoles ecclésiastiques et la manière d’organiser l’enseignement secondaire ne pussent être, comme on dit, des questions réservées. D’ailleurs, tout n’a pas été dit sur ces questions. La discussion de la chambre