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L’épiscopat de notre temps est d’un caractère faible et indécis ; il a eu souvent des intentions louables qu’il n’a pas osé réaliser ; souvent aussi il a commis des excès sans le vouloir. Il n’a pas la main, assez forte pour maîtriser les élémens passionnés qui s’agitent autour de lui dans l’intérêt de sa cause, ou sous le prétexte de la défendre. Il est dominé par eux. Il ne commande pas, il obéit. L’histoire, sur ce point, sera sévère à son égard. Elle lui reprochera d’avoir soulevé un débat dont il n’avait pas calculé les suites, de s’être créé un rôle pour lequel il n’était : point préparé, de s’être lancé dans une voie périlleuse où il a marché sans but, entraîné par ceux qu’il aurait dû contenir, désirant quelquefois s’arrêter, et faisant sans cesse de nouveaux pas sous l’impulsion d’une volonté plus forte que la sienne. Au commencement toute la question était de savoir si les petits séminaires seraient surveillés ou non. L’épiscopat n’allait pas plus loin ; mais on l’a vu depuis, sous l’empire des sollicitations qui l’ont envahi, approuver les pamphlets dirigé contre l’Université, défendre les jésuites, rejeter la déclaration de 1682, enfreindre les règles du concordat, traiter avec mépris le conseil d’état et les chambres, et porter jusque dans le palais du roi, le jour d’une fête, l’expression inconstitutionnelle de ses prétentions excessives. On le voit aujourd’hui protester contre la restitution des huit mille bourses, et une lettre de l’évêque de Langres menace le gouvernement d’un refus de concours Ces témérités successives et ces exigences croissantes de l’épiscopat prouvent moins son ambition que sa faiblesse. Livré à des influences subalternes, gouverné par des agens obscurs, poussé en avant par des intérêts dont il est devenu l’instrument, il n’a pas su garder l’attitude modérée que lui conseillaient sa prudence et ses lumières. L’usage de la presse lui a été surtout funeste. Une polémique insensée qu’il na pas le courage de désavouer, la force peu à peu a devenir ou à paraître le complice de ses exagérations Des hommes savans et vénérables, de pieux prélats, l’estime et l’amour de leurs diocèses, se sont jetés ainsi dans des entreprises hasardeuses, tantôt par l’effet d’un entraînement irréfléchi, tantôt par suite de concessions pusillanimes, quelquefois même, il faut le dire, par la crainte de se voir gourmander dans des feuilles que personne n’aurait lues, s’ils n’avaient eu la complaisance d’y faire publier de temps en temps leurs pastorales, avec leurs études biographiques ou littéraires sur les professeurs de l’Université.

Ce qui se passait il y a peu de jours : entre deux feuilles ecclésiastiques au sujet de la dernière protestation des évêques vient encore à l’appui de notre opinion sur le caractère irrésolu de l’épiscopat. Après des révélations embrouillées et des démentis réciproques, exprimés en des termes qui démontrent que les écrivains néo-catholiques ne sont pas toujours tenus d’obéir aux lois de l’Évangile et du bon goût, il est demeuré constant que les évêques présens à Paris avaient protesté individuellement entre les mains du garde-des-sceaux, très étonné sans doute de se voir le confident des griefs du clergé contre une commission de la chambre des députés ; mais il a été prouvé également que les protestations avaient été annoncées avant d’être faites,