Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La vie, d’ailleurs, devait être fort triste sur des pics élevés à cinq ou six mille pieds au-dessus du niveau de la mer ; les bardes y venaient souvent chanter les exploits des ancêtres du châtelain, mais celui-ci s’ennuyait bientôt à regarder paître ses jumens au versant des monts.

Le souvenir des anciennes assemblées du dassarah tourna la tête du dernier pechwa, Badjî-Rao. Les brahmanes tramaient un complot dont les ramifications s’étendaient dans les provinces, et le prince, excité par eux, éclata imprudemment ; voici dans quelles circonstances. A l’époque où la compagnie s’engageait dans une guerre dangereuse avec le Népal en 1816, Rundjet-Singh menaçait avec une forte armée les Seikhs protégés qui le séparaient des possessions britanniques. Un corps de Patans se formait sur la frontière de la province d’Agra. On s’attendait, disent les écrivains anglais, à un soulèvement général, et lord Hastings s’occupa de prendre des mesures pour en arrêter l’explosion, ou tout au moins en atténuer l’effet. Les Mahrattes aussi se montraient prêts à renouer les liens de la confédération dissoute par le traité de Bassein. Les états dix Maharashtra, divisés, se composaient du royaume de Poonah, de celui de Scindiah, de la principauté gouvernée par le Holcar, et des provinces soumises au radjah de Nagpour, Appa-Saheb. Cinq ou six princes, prenant les armes à la fois sur divers points, eussent suffi à tenir en échec la puissance anglaise, moins consolidée que maintenant. Ce qui a été accompli depuis n’était encore qu’ébauché. La politique conseillait de diviser les radjahs en les opposant les uns aux autres, ce fut un moyen de les réduire, une fois soumis, on les isola plus complètement en interdisant à ces princes, d’ailleurs assez indolens, toute correspondance avec leurs voisins. Mais il est toujours difficile d’empêcher certaines nouvelles de circuler, et à peu près impossible de déjouer les conspirations au sein d’un peuple nombreux disséminé sur un grand espace. Dans ces dernières années, n’a-t-on pas surpris à Poonah, à Bombay même, des proclamations menaçantes pour les Européens ?

Badji-Rao avait levé des troupes et envoyé loin de sa capitale ses trésors avec sa famille, au printemps de l’année 1817. Pour le punir de ses mauvaises intentions, on lui imposa un contingent de troupes qu’il dut payer et entretenir. Le pechwa mit garnison ennemie dans ses propres états, et paya 34 laks de roupies (8,500,000 fr.) au trésor de la compagnie. L’argent qu’il pouvait employer à solder ses armées passa ainsi aux mains des Anglais. Un traité signé le 15 juin ayant établi les bases de l’alliance nouvelle, bien plus onéreuse que la première pour le chef des Mahrattes, cet ajournement des hostilités permit aux troupes