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Aucune idée de blâme n’entre pour moi dans ce retour à des particularités oubliées ; il importait seulement de bien constater l’insensible déclin d’une congrégation sage, modérée, polie, qui avait trop de fenêtres ouvertes sur le monde pour que l’air extérieur n’y entrât pas très aisément. Lors même que M. Daunou fut moine, comme on dit, il ne lui arriva de l’être que dans ce milieu doux, orné et assez riant, qui lui ressemble.

De Troyes à Soissons, de Soissons à Boulogne, et finalement à Montmorency, M. Daunou passa dans les divers collèges de l’ordre et monta par les divers degrés de l’enseignement. A la maison de Montmorency il fut chargé de la classe de philosophie, puis de celle de théologie. Il venait à Paris une fois par quinzaine environ, à pied durant l’été, se mettant en route avec le jour et lisant tout le long du chemin. Nous tenons d’un de ses anciens élèves de philosophie que le jeune professeur était là ce que nous l’avons vu depuis, timide, un peu embarrassé dans sa chaire, assez défiant des dispositions de son auditoire : il avait besoin que l’attention respectueuse dont il était l’objet le rassurât. C’est vers le temps de son entrée à cette maison de Montmorency que le sujet proposé depuis plusieurs années par l’académie de Nîmes le tenta et lui fournit le texte de son premier succès : Quelle a été l’influence de Boileau sur la littérature française ? Son discours, qui est moins un éloge qu’une discussion historique, remporta le prix et fut publié en 1787 ; il a reparu plus tard corrigé, augmenté, ou plutôt totalement refondu, en tête de l’édition de Boileau (1809), et de nouveau modifié en 1825, mais, dans sa première forme, il donne mieux idée des principes et du but de l’auteur. On y voit ce que ce discours fut réellement, un ouvrage de circonstance, venu à point dans la polémique entamée alors, un écrit judicieux, d’une satire modérée, appliquée à son moment et sans exagération. Lorsque plus tard, en 1825, l’éditeur de Boileau crut devoir étendre sa polémique à Shakspeare, à Schiller, aux Schlegel, aussi bien qu’à la philosophie de Kant et à celle de M. Cousin, il dépassa la donnée première : les traits ne portèrent plus. Le discours sur l’Influence de Boileau, sous cette première forme moins complète, moins parfaite, me paraît donc en même temps plus proportionné et plus digne de l’excellent esprit de M. Daunou, il répondait convenablement à ce qu’avaient, répandu çà et là de restrictions et de critiques Fontenelle, Voltaire, Marmontel, d’Alembert et Helvétius ; il répondait plus vertement à ce que les littérateurs désordonnés, tels que Mercier et autres, étaient en train de débiter d’impertinences. Ceux-ci ne se tinrent pas pour battus. Une lettre du