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Nous croyons que de pareils débats sont prématurés, et que les faits ne sont pas encore suffisamment éclaircis. Les deux discours de M. Thiers n’en restent pas moins, jusqu’à présent, des tableaux fidèles sur beaucoup de points, et animés par ce pinceau éclatant qui n’appartient qu’à lui. Rarement la parole de M. Thiers avait été si entraînante. On sentait que toutes les forces de son ame étaient employées à défendre un intérêt sacré, celui de la France. L’effet de cette parole n’est pas oublié.

M. Thiers, sur l’invitation de la chambre, a lu son rapport au nom de la commission de l’enseignement secondaire. Cette lecture, qui a duré près de trois heures, a captivé la chambre. M. Thiers a été souvent interrompu par des applaudissemens qui s’adressaient à la fois aux sages propositions dont il était l’interprète et au talent admirable de l’écrivain. Nous n’entrerons pas aujourd’hui dans l’examen de cet immense travail ; nous ne ferons que cette seule réflexion. Il y a deux mois, lorsque le projet de loi sur l’enseignement sortait des mains de la chambre des pairs, les partisans du principe universitaire, qui représente les droits de l’état et l’esprit mûr de notre temps, pouvaient se sentir alarmés. Une réaction avait paru s’opérer dans la sphère élevée du pouvoir. L’Université, qui avait le droit de se plaindre, était réduite à se défendre. Aujourd’hui cette situation n’existe plus. Les amendemens de la commission, reprenant la plupart des dispositions du projet primitif, ont rétabli les choses comme elles étaient au point de départ. Seulement, à l’action ministérielle qui s’effaçait dans le débat au lieu de le dominer, vient se substituer l’action personnelle de M. Thiers, dont l’énergie est connue et qui ne passe point pour abandonner aisément les causes remises entre ses mains. Ce que nous disons là ne saurait s’adresser à M. le ministre, de l’instruction publique. Nous ne pouvons que féliciter M. Villemain de tout ce qui se passe maintenant. Ce n’est pas une défaite pour lui, c’est une victoire. Espérons qu’il saura en profiter.

Et maintenant, si nous disions que, pendant huit jours entiers, une chose a occupé Paris et la France plus que la dotation, plus que le Maroc, plus que les chemins de fer, on ne nous croirait pas, et cependant rien n’est plus vrai. Pendant toute une semaine, un procès criminel, dénué de tout intérêt pathétique, vide pour l’ame, mais produisant une sorte de frémissement physique par des scènes atroces, a tenu en suspens toute une population qui vante cependant la délicatesse de son esprit et la douceur de ses mœurs. Mais c’est le goût du jour, les raffinemens de la société nous ramènent aux passions du cirque. Ce qui devrait être caché aux regards de la foule, ce qui devrait se passer entre la justice de ce monde et Dieu, ce qui devrait nous inspirer une secrète horreur ou du dégoût nous attire au contraire par je ne sais quelle curiosité barbare. Nous déchirons le voile qui recouvre une plaie hideuse, et nous la contemplons sans pouvoir rassasier nos yeux. Dès qu’un crime est commis, la publicité s’en empare ; des écrivains, dont c’est le talent et la fortune, arrangent les circonstances en forme de drame. Dès