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parages du Maroc, n’étaient pas supérieures aux forces françaises. À ce sujet M. Molé a rappelé un fait qui a paru place très à propos dans la discussion. Après la prise de Saint-Jean-d’Ulloa, l’amiral Baudin, se trouva en présence du commodore anglais, dont l’escadre était plus forte que celle de la France. L’amiral suspendit aussitôt les négociations, déclarant qu’il ne pouvait les continuer en présence d’une flotte supérieure à la sienne, Le commodore se retira, et renvoya une partie de ses bâtimens. « Je suis sûr, a dit M. Molé, que M. le prince de Joinville, dans des circonstances semblables, agirait comme l’amiral Baudin. » Ce trait, raconté avec une grande simplicité, a produit sur la chambre des pairs une assez vive impression.

L’Espagne semble au moment d’entrer en collision avec le Maroc. L’empereur lui a refusé toute satisfaction, et a rejeté la médiation de l’Angleterre. Rien n’égale l’insolence et le mépris avec lesquels Abderraman traite une nation qui fut autrefois si grande. Le gouvernement espagnol dirige des troupes sur Ceuta. On pense que l’Angleterre préviendra les hostilités. Ces circonstances, jointes une crise électorale qui est imminente, ont donné au peuple espagnol un certain élan. S’il se trouvait un homme de génie qui sût profiter de ce mouvement des esprits et le tourner, vers une grande entreprise, les destinées de l’Espagne seraient peut-être changées ; mais la tentative serait trop hardie. Des finances ruinées, une administration à peine constituée, un gouvernement sans règle, un peuple que l’anarchie a dévoré si long-temps, seraient de tristes ressources pour inaugurer une politique nouvelle qui ferait appel à un patriotisme énergique. Aussi, sans chercher à arrêter une guerre où l’honneur du pays est engagé, les esprits sages, en Espagne conseillent de limiter le but de l’expédition, et de ne pas s’aventurer dans des essais ambitieux où la nation livrée à elle seule succomberait. Rétablir l’ordre, restaurer le crédit, organiser les différens pouvoirs de l’état, fond der le régime constitutionnel sur les débris de tant de révolutions, voilà quel doit être le travail de la société espagnole. Ce n’est qu’après avoir passé par ces épreuves nécessaires, qu’elle pourra tourner ses regards vers cette contrée du Maroc, où semblent l’appeler, dans une époque plus ou moins rapprochée, la nature de son génie primitif et la fatalité des évènemens.

Du reste, les conférences de Barcelone ont produit des résultats conformes à cette politique. Le système constitutionnel l’emporte. Un décret du 4 juillet dissout les cortès, et convoque les collèges électoraux pour le 3 septembre. Un autre décret rétablit dans les provinces basques les députations et les municipalités d’après les fueros. La question des fueros sera soumise aux prochaines cortès.

On s’est beaucoup occupé, dans ces derniers temps, des affaires de Montevideo. Les versions les plus contradictoires ont été accueillies de part et d’autre. D’un côté, on prend ses renseignemens dans les journaux de Buenos-Ayres ou dans les dépêches des affaires étrangères ; de l’autre, on a peut-être le tort de ne chercher la vérité que dans les journaux de Montevideo.