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cette représentation vivante de la divinité, il y a dans les rues de Poonah des figures symbolique dont on ne peut parler, sculptées impudemment sur le tronc des figuiers ; en voyant ces grossières manifestations d’un culte païen, on ne sait lequel où doit le plus admirer, de la naïveté ou de l’effronterie d’un peuple qui, après avoir tout divinisé sûr la terre, ne sait plus où s’arrêter dans ses adorations.

Toutes les rues et les places portent le nom de quelque dieu ; devant les temples sont creusés ces beaux étangs où la population, quand les fleuves manquent, vient se plonger chaque jour à plusieurs reprises et laver ses vêtemens. Ces mêmes hindous ; qui vivent en public, se cachent et s’enferment pour manger ; les malignes influences qu’ils redoutent pendant les repas, ce sont la malpropreté, le contact des gens souillés et immondes de naissance ou par accident, dont ils se purifient au moyen du bain et des ablutions. De là les précautions sans cesse renouvelées, le soin extrême de leur personne et de leurs maisons. Dans une ville pieuse comme Poonah, il y a redoublement de pratiques religieuses, et chacun semble préoccupé exclusivement du désir de se rendre agréable aux dieux. Des ascètes aux longs cheveux, aux ongles recourbés, tapis sous des huttes comme des animaux ; jappent des stances que les plus dévots viennent écouter et qui édifient la foule. Non-seulement les noms de Brahma et de Vichnou sont inscrits à l’angle des rues ; mais, dit un auteur anglais, « les membres du panthéon hindou sont mieux manifestés encore par les peintures dont les murailles sont barbouillées, de sorte que l’histoire des divinités brahmaniques peut être apprise rien qu’en traversant la ville » Les pagodes, cependant, n’ont rien de remarquable ; les Mahrattes, tout fanatiques qu’ils étaient, savaient construire les forteresses mieux que les temples. Dans les bazars, on voit encore des boutiques d’armes anciennes : le sabre, si habilement manié par les cavaliers, à côté de la massue du fantassin, la cuirasse de coton, pareille à celle que portaient les Mongols, auprès de la pique à large fer qu’on croirait empruntée aux Saxons. D’ailleurs, ce n’est pas ici qu’il faut chercher les belles étoffes du nord de l’Inde. Quand les Mahrattes prirent le goût des tissus de Dehli et du Kachmyre, au lieu d’apprendre à les fabriquer, ils allèrent les voler chez leurs voisins, surtout chez les musulmans, qu’une civilisation plus avancée, une plus grande recherche dans le costume portaient à des habitudes de luxe inconnues aux montagnards. Cette ville de plus de cent mille ames (et ce n’est pas beaucoup dans l’Inde), dénuée de grands édifices, ou l’on ne retrouve guère les traces d’un passé glorieux, ne ressemble point à la capitale d’un empire dont le chef percevait trente millions de